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Le lever du soleil

Le lever du soleil

Titel: Le lever du soleil
Autoren: Jean-Pierre Dufreigne
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"
    Mme de LA FAYETTE.
    UN ROI EN TEMPETE
    Louis le Juste était triste, à son habitude, pis qu'à son ordinaire.
    Le roi Louis XILI souffrait ; ainsi entrait-il dans Paris au retour de la chasse en carrosse sans dorures, il les avait interdites, et non à
    cheval o˘ il avait belle prestance et qu'il préférait de beaucoup à
    l'enfermement derrière les mantelets de cuir d'une voiture. Mais il faisait grand vent froid de novembre et Louis souffrait du ventre encore. Le mal ne l'avait point quitté depuis l'‚ge de ses quinze ans.
    La douleur l'avait saisi au val de Galie. Guitaut, son capitaine de garde, avait alerté Héroard, le premier médecin. On s'était retiré dans un fourré, Guitaut veilla pendant qu'on administrait un lavement. Le deux cent douzième depuis le début de cette année 1637. Héroard tenait une comptabilité et un journal. Il soignait mal mais notait bien. Le Roi avait également subi quarante-sept saignées en ces onze mois. Se relevant, p‚le, Louis XILI s'était appuyé sur le bras de son capitaine.
    " Mon bon Guitaut, voilà que cela me reprend ", et il avait, d'un geste, intimé silence au médecin que l'intention démangeait de pérorer sur l'inflammation des humeurs digestives et des vapeurs intestines.
    Le Roi ce jour-là n'avait presque rien mangé : un p‚té de venai-

    son, une caille fourrée et deux truffes à l'huile arrosés de trois verres de clairet de Suresnes. Le capitaine avait appelé le carrosse.
    Louis avait acquiescé. Pas de chevauchée avec le ventre en ruine.
    " Vous tiendrez ma portière, Guitaut. " Le capitaine salua machinalement pour un honneur qui lui revenait de droit. Le Roi voulait-il bavarder avec son discret capitaine ? Non, il voulait éviter la leçon d'anatomie du médicastre, qui normalement e˚t d˚
    voyager sur un mulet, mais Louis le Juste avait ses faiblesses et ne détestait pas être accompagné quand le prenait l'envie de mordre.
    Lorsque l'on est d'exécrable humeur, il est bon de garder sous la dent un souffre-douleur.
    Le vent soufflait si fort que la pluie hésitait à tomber. quelques gouttes vous giflaient puis tarissaient. Le Roi détestait les gifles et les hésitations. Chez les autres.
    De plus, en présence de Guitaut, on se taisait et Héroard n'oserait faire la leçon. Guitaut en imposait car il savait se taire comme le Roi aimait. Guitaut savait écouter, comprendre sans un mot.
    Ainsi avait-il, après l'administration du clystère, tendu son bras pour que Sa Majesté s'y appuy‚t, non pour infliger au Roi l'évi-dence de sa faiblesse physique, mais parce que son service commandait qu'il gard‚t le roi de France de toute faiblesse publique. Le Roi pouvait donner, sans déroger, le bras à un gentilhomme, qui plus est, à un de ses soldats. C'était marque d'honneur et camaraderie de combat. Il y en avait eu des combats, botte à
    botte, capitaine et Roi cousinant au plus près de la mêlée. La cuisse gauche de Guitaut lui rappelait parfois, par une douleur arrivant en coup de poignard, le passage d'une balle de la mous-queterie espagnole lorsqu'il avait fallu reprendre Corbie et fermer à jamais la route de Paris à l'ennemi qui, venu du Nord, avait franchi la Somme. La contre-attaque fut décidée contre l'avis du Cardinal. Louis XILI était encore fier de son coup d'audace, de l'enrôlement forcé des valets, chenapans, tire-laine, rôdeurs de Paris et de la confiscation de tous les carrosses pour mener les troupes contre l'Espagnol, audace que Guitaut saluait de brave à
    brave.
    Une pensée fugace traversa l'esprit de Louis assis en sa berline de riche bourgeois : Guitaut qui chevauchait tout droit à sa portière, le menton haut, la moustache salée de blanc, était le seul à
    l'aimer sans rien quémander. Il soupira. que celui-ci, au moins, on ne me l'enlève pas. Ou que je n'aie pas à l'exiler. Je le ferai mestre de camp. Promesse tacite que le Roi ne tiendrait pas.
    Louis se trompait, Guitaut n'aimait pas son Roi, il le respectait.
    Il n'était plus jeune, Guitaut, qui comptait cinquante-six ans, mais il restait fidèle. Une complexion et un esprit faits pour être soldat.
    qu'être d'autre quand on naît pauvre et nobliau ? On s'engage, on gravit les degrés au mérite, au combat, on ne craint rien quand on n'a rien à perdre, on commande enfin une compagnie de gardes puisqu'on ne peut s'acheter un régiment.
    François de Peichepeyrou-Comminges, sieur de Guitaut, dit aussi comte de Comminges, était donc
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