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Le lever du soleil

Le lever du soleil

Titel: Le lever du soleil
Autoren: Jean-Pierre Dufreigne
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l'esplanade de Saint-Germain, d'o˘ l'on a une si belle vue sur la forêt giboyeuse de la Laye, dans les jardins de Fontainebleau, il ne sait plus, la Cour est si nomade, que le Roi a remarqué son minois.
    Marie de Hautefort échangea alors un sourire complice avec la Reine. Le Roi les haÔssait.
    Le monarque et l'enfant chuchotent dans l'ombre du parloir maigrement éclairé par deux chandelles. Une religieuse assiste à
    l'entretien dans un recoin. De par sa volonté, le Roi pourrait exiger la solitude. Mais il est chez Dieu, et pense qu'il n'y commande pas. Solitaire et torturé, il se confie sans se confesser ; il croit découvrir ici, devant ce visage de pureté, la sérénité qui le fuit depuis sa naissance. Une jeune fille douce et forte, droite, vierge, et éprise de lui car sa couronne ne lui vient que de la gr‚ce de Dieu. L'amour du Roi, qui n'a rien de charnel, survit, sublimé, à
    cet enfermement d˚ à l'héroÔque décision de la demoiselle.
    que se disent-ils, ce jour de novembre à travers le vain mais infranchissable obstacle de la clôture ?
    Même la súur surveillante ne l'entend pas. Ce qu'on en sait est que le Roi ne bredouille ni ne bégaie.
    Dehors, Guitaut qui attend voit le ciel se couvrir. Les casaques bleu et rouge des gardes se soulèvent dans le grand vent. Il vient de l'ouest, de Versailles et de l'Océan. Il a poursuivi le roi après lui avoir volé un gerfaut. M. de Guitaut pèse de la main sur son chapeau. Fasse Dieu que le Roi ne tarde pas. Cet homme qui a reconquis à peu près son royaume, qui mène une guerre étrangère interminable depuis vingt ans, a eu la ténacité, contre l'avis des stratèges, de reprendre Corbie, la cuisse gauche du capitaine ne l'ignore pas, échoue au siège du cúur d'une pucelle afin de la ramener au monde des vivants.
    Et ce vent, mon Dieu, ce vent qui a g‚ché la journée et renforcé
    le caractère sombre du Roi ! Sa détestation de tout ce qui est gai, joyeux, charmant, galant. Le fils du Vert-Galant se rembrunit devant les femmes, quand il ne rougit pas. La Hautefort s'amusait de cette palette de couleurs, et ce, devant lui, et le Roi s'en retour-nait pleurer. Dans son dos, Chevreuse, súur de cúur de la Reine, toutes deux blondes aux yeux verts, en plaisanta jusqu'à l'exil.
    Guitaut soupire dans le violent courant d'air de la rue Saint-Antoine. Chevreuse, la plus rouée des Rohan, veuve du dernier connétable, maîtresse d'un ambassadeur d'Angleterre, d'un évêque, d'un envoyé de l'Espagne, épouse nouvelle d'un duc et pair, est actuellement occupée à séduire le duc de Lorraine, à
    moins que ce ne soit le roi d'Espagne. Chevreuse change souvent de nid. Comme de lit. Guitaut sourit.
    Guitaut aimait les femmes. S'il respectait le Roi, il aimait la Reine, d'une affection chaste, d'une admiration sincère, et, malgré
    la petitesse de sa noblesse, avec une véritable compassion pour les tourments à elle infligés. Et puisque M. de Guitaut avait un demi-flacon de sang gascon par les Peichepeyrou, son cúur allait donc à Mme de Hautefort. La belle Marie, premier grand amour raté de Louis le Chaste. Une Gasconne qui, homme, f˚t devenue mousquetaire et qui, femme, belle et jeune, remplaça la rapière par une langue acérée. Au contraire du silencieux Guitaut. Mais comme le capitaine des gardes, la jolie Marie qui flattait l'úil vouait un parfait amour à sa Reine.
    L'inclination de Marie de Hautefort pour Anne d'Autriche était telle que, négligeant les bonnes gr‚ces du Roi qui lui étaient acquises - pour Marie, le Roi joua de la guitare et organisa des ballets, choses qu'il détestait mais se surprit à aimer -, hasardant entièrement sa fortune, Marie préférait secourir une princesse d'un tel mérite dans son malheur que profiter de sa faveur. Guitaut saluait la fidélité. Il avait connu le père de la délicieuse Marie, Charles, marquis de Hautefort, qui, en bon et franc Gascon, enfi-lait cinq ou six titres dès son lever. Le marquis était aussi comte de Montignac, baron de Themon, seigneur de Savignac, d'Auriac, de Saint-Orse, de La Motte, de La Borie, d'Ajat. Guitaut en oubliait, parmi les titres et lieux en ribambelles, lui qui n'avait que trois noms dont un d'emprunt, Comminges, pour se vêtir au matin.
    Aujourd'hui Cheveuse est en exil en Flandres, Hautefort au Mans, La Fayette au couvent, Guitaut capitaine aux gardes, le Roi aux pieds d'une nonnette, et ce qui n'était que mauvais temps de novembre tourne à la
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