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Le lever du soleil

Le lever du soleil

Titel: Le lever du soleil
Autoren: Jean-Pierre Dufreigne
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tentait de se faire oublier. Le Roi en ce jour de fin novembre 1637 était de mauvaise humeur. Le vent soufflait trop fort dans le val de Galie, près de la butte de Versailles, et un gerfaut s'était perdu dans la bourrasque. Louis le Juste perdait ses derniers amis : après Luynes mort, et Saint-Simon, premier écuyer, exilé pour un mot de trop sur une dame, après Saint-Amour, le cocher, Haran, le valet de chiens, le marquis de Mont-pouillan, François de Barradat, chassés hors de Paris, il perdait son faucon préféré. " Ce sont amis que vent emporte ", avait chanté
    Rutebeuf trois siècles auparavant. Et le vent soufflait comme jamais en cette fin de novembre.
    M. de Guitaut ordonna la halte à sa troupe. On ouvrit la portière de la berline du Roi qui en descendit maussade, dans le velours feuille morte de sa tenue de chasse ornée simplement de la poussière grise de la chevauchée venteuse. Son uniforme de rapace.

    Ce soir il dormirait à Saint-Maur. En attendant... on l'attendait au couvent.
    Elle n'a pas dix-neuf ans, elle est brune et pourtant ravissante alors que les canons en vigueur chantent plutôt la blondeur ; elle est intelligente, musicienne elle aussi. Ancienne suivante de la Reine, Louise Angélique de La Fayette fait retraite et pense à
    choisir définitivement le couvent.
    Le Roi est fou d'elle ; elle ne songe nullement à céder aux ennuyeuses volontés de ce barbon dont le non-désir lui répugne.
    Autant parce que les trente-six ans de Sa Majesté lui paraissent canoniques, à elle qui en compte la moitié, que parce qu'elle sait trop bien que ladite Majesté ne se résoudra pas à la toucher. Ainsi le Roi a-t-il éloigné son très cher Claude de Saint-Simon, son premier écuyer, laid comme un pou, un vrai " punais ", mais excellent chasseur, qui lui conseilla d'user de toute sa prérogative royale pour basculer la blonde Hautefort en son lit. Louis le Juste, s'il a ses amours de tête, est chaste comme un nonain. Après Mme de Hautefort, Mlle de La Fayette. Et de celle-ci, à son habitude, le Cardinal se méfie, et ne se trouve pas mécontent qu'elle loge ici en un couvent.
    Louis le Chaste est pieux. Déjà, il a usé six confesseurs : le RP Coton, qui fut celui de son père le roi Henri, et dont il entendit donc de belles au registre des péchés les plus plaisants ; les RP Arnoux, Séguiran, Suffren, Maillant et Gordon, un Ecossais épuisé par les ans autant que par l'ennui du trop véniel des péchés du roi Louis. Tous appartiennent à la Compagnie de Jésus, installée elle aussi en ce faubourg Saint-Antoine. Tous usés en effet, usés par leurs efforts à pousser le Roi dans le lit de la Reine.
    Leur successeur, le RP Nicolas Caussin AMDG, a décidé de réussir là o˘ ses saints confrères ont échoué. S'il réussit, il arbo-rera vite le chapeau de cardinal. Et un cardinal peut en chasser un autre. Richelieu règne sur le présent du Roi, et croit Caussin de son clan, mais Caussin songe, lui, qu'il pourrait régenter l'avenir de la monarchie. Déjà il est du mieux possible avec le frère du Roi, Gaston, le seul héritier qui patiente devant la litanie des maladies de son royal frère, mais le jésuite n'ignore pas qu'il serait encore plus en gr‚ce s'il fournissait au trône l'héritier légitime, ce Dauphin impossible. Aussi, le pieusement politique Nicolas Caussin visite-t-il fort souvent le couvent des Súurs de la Visitation, et la jeune future novice Louise Angélique. Il parle, elle écoute, il conseille, elle promet. Elle a choisi l'établissement de la porte Saint-Antoine pour répondre à la volonté de Dieu.
    Et puis la porte Saint-Antoine est dite porte des Champs, celle par laquelle il est le plus aisé de fuir Paris. Sous le ministère du Cardinal-Duc, la fuite n'est pas une l‚cheté, mais une sage décision de prudence. Il n'est que deux portes ici, au faubourg ; l'une s'ouvre par la clef des champs, l'autre par celles, plus funestes et mieux gardées, de la Bastille.
    Dieu le veut, avait dit le RP Caussin comme s'il prêchait une nouvelle croisade. Dieu veut que le Roi engrosse la Reine.

    On n'a pas encore coupé les cheveux bruns de Louise Angélique, dont quelques mèches s'échappent du voile de linon. Son visage est tout d'enfance. Le Roi sourit pour la première fois aujourd'hui. Louise Angélique est belle et sa rêche tenue de novice la rend plus attirante et fraîche que ses anciens atours de suivante et de dame de cour. C'est au Louvre, ou sur
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