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Le lever du soleil

Le lever du soleil

Titel: Le lever du soleil
Autoren: Jean-Pierre Dufreigne
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ferait un drapeau avec cela. Il n'y invitait plus personne depuis que sa seule inclination féminine, Marie de Hautefort, avait déclaré s'y ennuyer. Hautefort s'était moquée de lui, de ses chasses, de ses oiseaux, de son
    " ch‚teau de cartes " fouetté de courants d'air ; et qui plus est, en présence de la Reine dont elle était dame d'atour. Et la plus chère amie.
    Une gamine de seize ans à qui l'on disait Madame, et qui avait détesté Versailles et ses grands vents. Elle détestait la chasse et n'aimait pas le Roi ni son babil hésitant. Lui l'avait aimée. Le Cardinal aussi. Richelieu avait songé à se servir de Marie pour Espionner de plus près, mais aussi à l'entraîner en son lit. Elle qui, revenant de Rueil, avait averti tout Paris qu'il arrivait à l'Eminence de hennir, faisant le cheval de manège autour d'une table, en la présence de la favorite du Roi, et ce pour la séduire. Devant les deux refus, espionner et coucher, Richelieu avait décidé de la perdre. Elle vivait actuellement un exil feutré d'ennui dans un manoir grand-maternel près du Mans, le ch‚teau de La Flotte.
    " qu'elle s'y noie ! " avait simplement commenté le Roi.
    Ici, au pied de la butte de Versailles, le Roi galopait, loin du Cardinal, loin de Paris, loin des ragots, loin de la Cour, loin de l'ironie, loin des femmes, donc loin de la Reine. Le vent ôtait l'odeur des intrigues, même autour de l'étang Puant, pourtant bien nommé, mais qui entêtait moins que tous les parfums de félonie de la Cour ou des couloirs du Louvre.
    Louis ricana dans son carrosse, son médecin se pencha vers lui, le Roi le foudroya du regard. Héroard n'ajouta rien, le Roi avait sa mine à " t‚ter le vinaigre ", ainsi que le médecin l'écrirait ce soir de novembre 1637 en son journal au seul profit des historiens du futur, et d'Alexandre Dumas.
    Louis le Juste était cruel comme une épigramme. A la seconde fausse couche d'Anne d'Autriche, il y avait seize ans de cela, il décréta que " son ventre était un cimetière ". Autant gifler l'Espagne tout entière ! Il n'en approchait plus. Chaque jour, dans les couvents et monastères, moines et nonnettes priaient, chaque dimanche à toutes les messes les prêtres et les fidèles imploraient Dieu que le Roi se couche près de la Reine et que le royaume ait un Dauphin.
    Dieu ignorait la France comme le Roi ignorait la Reine. L'Europe ricanait, Paris chansonnait, Locret rimait ses gazettes. Monsieur, Gaston d'Orléans, frisait sa moustache et souriait aux Grands ; il demeurait seul héritier direct du trône, dont l'éloignait encore la stature courte et rouge de Richelieu, à l'ombre pourtant immense, qui tenait autant à conserver ses quatre pieds carrés dans le cabinet du Roi qu'à réduire les places aux frontières et tenter d'unifier un royaume décousu. Gaston désirait l'abattre et le remplacer, ayant choisi déjà son titre de Lieutenant général du Royaume. Ou bien de Régent, ou de Roi, si Louis le Malade trépassait sans héritier m‚le.
    Gaston aimait les complots. On ne pouvait l'embastiller, étant frère de Sa Majesté. Alors, Monsieur, veule, fourbe, intriguait impunément. Avec tout le monde avant de trahir chacun. Il avait intrigué contre le Cardinal avec la favorite, la chastement favorite, Marie de Hautefort, mais avait laissé exiler la belle quelque part, près d'un bout de la Loire. Les autres, tous les autres, avaient perdu la tête ou la liberté.
    Gaston était plaisant mais indécis. Louis le Juste n'était pas aimé. Son ministre était craint. Paris brocardait les trois. La plume acérée menait droit à la Bastille, forteresse près de la porte Saint-Antoine, prison et coffre-fort du Trésor royal. Les geôles et les caisses y répondaient au principe savant des vases communicants.
    Richelieu emplissait les unes et puisait dans les autres. Elles s'ouvraient d'ailleurs derrière de mêmes portes bardées de fer et scellées de trois serrures.
    Ce jour-là, donc, un jour froid du mois le plus triste de l'année, novembre finissant, Louis, au ventre enfin apaisé après les déb‚cles de la chasse, approchait de l'ombre des tours de la vieille forteresse pour se rendre à quelques pas de là, au couvent des Súurs de la Visitation Sainte-Marie ; il rendait visite en effet. Et à une vierge, bien humaine, celle-là.
    Louis le Juste, le Cruel, le Malade soupirait une nouvelle fois.
    Guitaut, son capitaine des gardes, se taisait. Son premier médecin, Héroard,
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