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Le lever du soleil

Le lever du soleil

Titel: Le lever du soleil
Autoren: Jean-Pierre Dufreigne
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soldat. A la meilleure place, lui enviait-on, au plus près du Roi. A la plus triste place aussi, il le savait d'expérience, celle o˘ l'on s'ennuie. Celle o˘
    l'on assiste en silence à l'ennuyeux rab‚chage quotidien des vilénies.
    Louis le Juste était cruel. A seize ans, il avait fait assassiner son Premier ministre, chéri de sa mère, Concino Concini, maréchal de France et marquis d'Ancre, puis décapiter et br˚ler la femme de celui-ci, Leonora GaligaÔ. Sur une fausse accusation de sorcellerie, montée de toutes pièces par Luynes, le plus puissant et le premier des favoris du jeune roi. Il avait aussi fait la guerre à sa mère, qu'il maltraita ensuite et exila. Tuer GaligaÔ avait d'ailleurs été
    tuer sa mère, mais sournoisement, comme en effigie. Leonora n'était-elle pas la súur de lait de Marie de Médicis ? Elles avaient été élevées ensemble à Florence, au palais Pitti, demeure des grands-ducs de Toscane.
    Luynes avait su, du haut de ses quarante-deux ans, être un père de remplacement pour ce roi trop jeune, trop seul, trop peu sensuel pour être sensible, trop mal aimant car depuis toujours mal aimé, sa mère lui préférant son frère cadet, Gaston, un bell‚tre, un élégant, plein d'esprit, et qui, lui, ne bégayait pas alors que Louis, rouge de honte quand les mots ne sortaient pas, menaçait de se déchirer la bouche avec ses mains nues. Luynes, aussi aventurier que le Concini dont il avait décidé la perte, en avait profité.
    Louis le Treizième avait failli devenir Louis le Bègue, à la manière d'un vieux roi carolingien bien oublié. Parler lui était un effort tel, surtout en présence des dames, qu'il envoyait des émissaires à la Reine son épouse ou bien des lettres ; ce qui rendait peu fertile toute forme de conversation conjugale.
    Il e˚t pu rester aussi dans l'Histoire comme Louis le Chauve, à
    l'instar de cet autre vieux carolingien, Charles IL. Car, à ses vingt-trois ans, ses cheveux chutèrent. La parade fut immédiate, il porta et fit porter ces grandes perruques bouclées tombant jusqu'aux épaules, qui allaient durer un siècle qu'on appellerait bientôt Grand, qualificatif inimaginable ce jour-là, et remplacèrent les cheveux libres et fous qui donnaient, aux gentilshommes des règnes précédents, des allures de ruffians ; ce qui n'était guère menterie, toute noblesse s'étant taillée à coups d'épée dans le bien d'autrui, dans le butin, dans le pillage.
    Plus modestement, Louis le Glabre lui e˚t également convenu.
    La barbe de son père Henri IV, aussi célèbre que la blancheur de son panache et la chaleur de ses frasques, n'était sur ses joues ou son menton que vestiges de chaume après le passage des glaneurs.
    Louis inventa la mince barbichette sous la lèvre inférieure, toupet taillé en fer de lance effilé, et qu'on nomma illico la " royale ".
    On l'adopta, et qui s'y refusa, f˚t-il duc et pair, se vit souvent rasé
    par le Roi soi-même, devant toute la Cour. Louis ne dédaignait pas de montrer des vertus de valet, de crainte de ne guère posséder celles d'un maître.
    Il se choisit donc ses maîtres. Luynes et Richelieu.
    Par désir d'éloigner ce surnom de revenir à Louis le Bègue, qui lui allait hélas comme un gant, les maîtres, qui savaient flatter pour mieux commander, de Louis le Treizième choisirent Louis le Juste, selon le qualificatif attribué par un Parlement de Paris convaincu - sous la menace - par les deux importants personnages au rappel d'une repartie du Roi, alors orphelin ‚gé de treize ans, à un gentilhomme qui lui adressait une plainte : " Mon ami, je vous ai présenté une oreille, je garde l'autre pour la partie adverse. "
    Le qualificatif fut accepté avec un haussement d'épaules dans les ambassades des cours étrangères, o˘ l'on chuchota qu'il ne devait une telle épithète qu'à son signe de naissance, la Balance.
    On chuchotait beaucoup dans les années 1630, dans le royaume de France. Le silence règne quand un mot peut assombrir un Roi ou appeler le billot, par un simple geste du principal ministre tout vêtu d'écarlate.
    Le roi Louis, d'assez belle stature, avait le visage long, la lèvre lourde, et offrait une triste et jaune figure. Car Louis le Juste était surtout Louis le Malade. Les intestins en bouillie, gavés de gibiers et de graisse, mal soignés par des incapables qui ignoraient tout.
    Terrifié dans son enfance par la vue du cadavre ensanglanté de son père Henri IV dit le Grand,
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