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Le lever du soleil

Le lever du soleil

Titel: Le lever du soleil
Autoren: Jean-Pierre Dufreigne
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venait, altière, Némésis chrétienne, protester ainsi contre le meurtre de Cinq-Mars...
    Une autre dame qui paraissait en noir à une autre fenêtre de Fontainebleau, la nuit de l'été même. La nuit la plus douce de l'année qu'il avait entamée en pleurant dans les bras de sa gouvernante, comme un enfant. Encore une mort, la mort de l'" amour morte " : Marie Mancini, aujourd'hui princesse Colonna. Et cette autre dame en noir dans l'encadrement d'une fenêtre expliquait à
    cet enfant contrarié ce qu'était l'amour vrai. Ce qu'était un Roi.
    Ce qu'était un homme. Et quand il désespérait, car lui, Louis, roi de France, avait désespéré, lui avait démontré combien il était amant, roi et homme. Elle avait risqué, sans doute souillé ou terni du moins son propre amour pour panser le sien. Exilée quand il était bébé, elle n'avait cessé de le tenir dans ses bras, enfant, jeune homme, roi... une nuit, avait-elle dit. Une seule nuit. Elle avait tenu parole. Il avait tenu la sienne. Le secret.
    Voilà ; et une autre dame en noir aujourd'hui le fuyait, l'aban-donnait à sa vengeance. Des princesses et reines en deuil l'affron-taient et l'évitaient.
    La conscience est une femme belle et en noir, en deuil d'un espoir condamné.
    La conscience disparaissait dans des allées bordées de statues d'allégories morales et glorieuses. L'une avait annoncé ainsi la mort de Richelieu puis de son père, Louis XIII. La seconde, la mort de l'amour de Marie. qu'annonçait le départ de sa mère ?
    quelle mort ?
    La mort dans l'‚me ?
    Il sentit un regain de cette timidité qui l'avait quitté peu après la mort de Mazarin. Avait-il un regret, un remords face au dos de cette ombre qui à cette heure devait être montée en son carrosse de deuil, escortée par deux hommes parmi les plus vaillants de France et qu'elle préférait à des ducs et pairs ?
    Une autre ombre la rejoignait maintenant. Bien s˚r celle-ci n'aurait su la quitter ; elle aussi ferait retraite avec sa Reine et son amie. La pieuse et amoureuse Mme de Sénecey. Il eut envie de...
    Non. Comment chantait-elle quand il avait six ans ?
    " L'amour est morte. "
    Bonne idée d'avoir mandé Guitaut en escorte ! Celui-ci sera fait demain chevalier de l'Ordre. L'honneur en est immense, il lui est donc d˚ !
    Elle a regardé vers cette fenêtre. Elle m'a vu. La consolation s'en va. Il faudra agir, souffrir, faire souffrir seul.
    Il en eut un frisson délicieux.
    Louis sondait son ‚me. Il se reprocha avec joie ce regain de timidité qui l'avait enveloppé un instant car il avait remporté sur lui-même une victoire cruelle : il avait su cacher sa plus grande tendresse.
    Il en fut satisfait, s'en sentit grandi. Peut-être était-ce pour cela qu'il restait debout dans cette pièce o˘ personne n'osait pénétrer, même pas Colbert ; o˘ il ne prenait la pose que pour lui-même devant le grand miroir offert par Venise.
    Il observait cette apparence d'ingratitude qu'il venait de livrer à son public le plus cher, ce masque du visage sur lequel aucun trait n'avait bougé, comme ces masques d'or qui le dissimulaient pour mieux en faire reconnaître la majesté quand lui, le Roi, dansait et devenait peu à peu sa vérité première, masques qui l'enve-loppaient mieux que rubans et rhingrave, et cela était à la fois moelleux comme velours et soie, et dur comme cuirasse quand il allait en guerre ; tout cela le confortait dans sa science si nouvelle qu'il se savait roi et né pour l'être. Et qu'il était le seul sur cette terre à qui Dieu avait octroyé cet état. Le seul né du ventre de sa mère.
    Il ceignit à nouveau son épée, à la garde d'or et pierreries, reprit sa canne, avança sur le parquet comme on marche en campagne, au bruit la porte s'ouvrit, il allait réapparaître au monde ; à celles et ceux qu'il avait choisis pour être son monde, qu'il avait domestiqués et dont il entendait la rumeur comme on entend près d'une plage celle incessante de la mer.
    " Sa Majesté le Roi ! " aboya l'huissier.
    A Paris, près l'hôtel de Bourgogne,
    en la paroisse Saint-Eustache,
    le jour de la Saint-Jérôme 2002 A.D.
    REMERCIEMENTS
    L'auteur avoue toute sa gratitude, d'abord à Mmes NoÎlle Dufreigne et Muriel Beyer, pour leurs encouragements et leur patience.
    Ensuite à MM. Olivier Orban qui nous a imposé cette idée folle, et Alexandre Dumas, qui nous en a soufflé l'esprit.
    Ainsi que, pour le plaisir des lectures, et leur collaboration involontaire, à Mmes
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