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Le jour des reines

Le jour des reines

Titel: Le jour des reines
Autoren: Pierre Naudin
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sentit du froid dans ses poumons.
    « Où m’emmène-t-on ? Je connais un mire aussi bon et avisé que cet Anglais. Un vieillard qui me sauva il n’y a guère… Son nom !… Je veux savoir son nom et revoir son visage !… Tilford est de son espèce. Je ne souffre point trop. »
    Après qu’il eut bandelé ses plaies, le médecin goddon l’avait vêtu de neuf. Ensuite, avec d’infinies précautions, une grosse femme et l’irascible Richard l’avaient étendu sur une civière. Maintenant, des soudoyers l’emmenaient. Sauf les porteurs attelés aux mancherons, ces hommes étaient armés d’une guisarme ou d’un vouge. Ils sinuaient entre des maisons de bois aux fenêtres desquelles se penchaient des guerriers. Ce devait être l’aurore puisque des parchemins huilés reflétaient des lueurs vermeilles. Au passage, certains curieux sortaient de dessous les porches. Mieux valait fermer les yeux.
    Depuis quand vivait-il ici ? Où le conduisait-on ? Allait-on lui faire payer d’un coup de hache une piteuse victoire à la tour de… de… Sang…
    Sangatte !
    Combien de jours, de nuits depuis ce vain assaut ? Les balancements le berçaient mais il se refusait à s’assoupir. Toutes ces têtes curieuses, les unes sous le chapel de fer à bord large, les autres entre les jouées de la barbute, semblaient exprimer de la bienveillance…
    La procession cessa tout à coup d’avancer. La foule s’écarta. Un homme apparut, vêtu simplement. L’œil vif et la bouche amère, il cardait de ses doigts une barbe à deux pointes.
    — Ainsi vous revoilà !… Moins hardi que lorsque nous nous sommes vus !
    — Messire, je ne…
    — Feignez-vous d’ignorer qui je suis ?… Nous nous sommes rencontrés tout près de Rouen, puis à Auteuil !… Je suis Édouard, roi de France et d’Angleterre… Masny, approchez !… Si je le reconnais, il doit me reconnaître ! Quelles sont ces simagrées ?
    — Je crains, sire, que vous ne vous mépreniez : il a vraiment perdu la mémoire… Il ne sait même plus son nom… C’est vous dire !
    — Je vous dis, moi, qu’il est un preux chevalier : il fut l’an passé le message [13] de mon cousin Philippe.
    — Tilford affirme qu’il est sauvé… Son combat contre Cobham fut une merveille de courage… aussi vrai que je suis Gauthier de Masny !
    Le gisant sentit la main royale se poser sur son épaule dextre. Il ne broncha pas.
    — Vous allez bientôt connaître l’Angleterre… L’on vous y guérira et vous rançonnera. Vous serez bien médiciné, bien nourri et hébergé, mais si vous desrieulez [14] , la Tour de Londres vous accueillera !
    — Sire, il est mon otage !… Et je le tiens pour un homme d’honneur !
    Une fureur sans mélange secouait Gauthier de Masny. Derrière le roi, un homme en armure s’ébaudissait. Ce devait être Cobham.
    — Baptisez-le, puisqu’il a perdu son nom… Je peux lui tenir lieu de parrain. Quel preux veux-tu être ?… Il me semble que ton nom était court : Roland, Guy, Bernard… Tu me laisses le choix ?… Soit : tu seras Roland jusqu’à ce que tu recouvres la mémoire… Vous pourriez, Masny, le confier au mire de Charles de Blois… Mais vous avez mieux, sans doute.
    — Oui, sire… La nièce de Northampton, Odile, revient au pays.
    — Quinze ans… Bien faite… Hé hé !… Il ne peut la dépuceler dans l’état où il se trouve… Mais emmenez-le et couvrez-le : sa pâleur est inquiétante.
    « J’ai froid… Aussi froid qu’en hiver. »
    Il luttait pour demeurer attentif, mais ce gel obstiné glaçait sa volonté. Depuis combien de semaines était-il au pouvoir de ces hommes ? Pourquoi voulaient-ils à toute force le maintenir en vie alors qu’il tenait, lui, à disparaître ? Comment et avec qui était-il venu à Calais ? Quelque chose de puissant plombait son cœur : un remords, sans doute, mais son esprit quasiment vide l’empêchait d’en définir la cause. Il souffrait toujours autant de ses épaules, moins de la poitrine, davantage du ventre. Son oreille – ou ce qu’il en subsistait – ne cessait de le lanciner sous les linges protecteurs. Pourvu qu’il défaillît encore ! Alors, plus de douleurs, plus d’investigations stériles aux quatre coins de son cerveau.
    « Ma vie tient à un fil… Qui le coupera ?… J’ai peur de vivre ! »
    Et voilà, il avait trouvé la vérité.
    Le mal l’enveloppa dans ses nuages noirs. Il sentit ses chairs grésiller,
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