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Le jour des reines

Le jour des reines

Titel: Le jour des reines
Autoren: Pierre Naudin
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son front, grosse et fraîche.
    — La fièvre… Plus vos sueurs s’épancheront, plus les humeurs malsaines qui sont en vous s’éloigneront avec elles… Si vous étiez resté sur le champ de bataille, votre âme serait en Paradis… Messire saint Michel en prendrait soin, mais vous êtes jeune…
    Jeune… Il était jeune ! Cette révélation lui fit l’effet d’un baume.
    — Quand vous irez mieux, je vous ferai porter un miroir… Vous vous y reconnaîtrez sûrement… J’ai fait ramasser votre épée… Peut-être que sa vue vous sera bénéfique… Ma volonté, messire, est peu de chose, mais je l’ai mise à votre dévouement pour vous tirer du tombeau.
    — Je vous en rends grâces mais… pourquoi ?
    Vivre, pour le moment, c’était souffrir ; c’était respirer avec peine ; c’était aussi pleurer d’angoisse. C’était savoir.
    —  Pourquoi êtes-vous si bon… si plein de sollicitude ?
    Il n’en pouvait plus. Ses lèvres tremblaient, sèches comme des pierres ; un râle s’échappait, maintenant, de sa poitrine. Son corps lui semblait épais, massif. Il sentait ses paupières s’affaisser malgré sa volonté de les maintenir ouvertes. Allait-il mourir à l’instant où cet ennemi croyait en sa guérison ?
    Il entendit l’Anglais remuer. Bientôt, un linge vinaigré effleura son nez. Son oppression s’atténua. Fraîcheur… Un grand bain froid l’eût-il revigoré ?
    — Pourquoi… m’avez-vous… sauvé ?
    L’homme se redressa :
    — Richard, dit-il, venez m’aider à ôter mon harnois.
    Une ombre apparut : celle d’un écuyer qui se mit à décrocher les cuirs du colletin de fer. Et, tandis que tombaient les pièces de l’armure :
    — J’ai meurtri moult Franklins, Charlots [6] , Génois et m’en suis louangé tout comme vous vous êtes réjoui de nous porter des coups mortels. Le seigneur que j’ai vu de loin vous malmener, c’est Regnault de Cobham [7] . Je connais bien sa force et son hardement. Eussiez-vous porté comme lui une armure que j’aurais assisté à votre combat sans broncher, en souhaitant que le meilleur l’emporte… Je me suis mis à votre place. Comme vous, sans nul fer protecteur, j’eusse été vaincu… et trépassé !… Je suis intervenu. Alliez-vous succomber ? Votre cœur battait encore… Peut-être comprenez-vous mal mes propos car vous avez perdu la moitié d’une oreille et un linge vous tient la tête serrée.
    Une oreille mutilée. C’était donc la raison des chuintements qui l’importunaient – comme s’il gisait au milieu d’un rucher. La voix de l’Anglais se diluait parfois dans ces bourdonnements, mais il le devinait, se penchait et s’appliquait à espacer ses mots, leur donnant ainsi plus de fermeté :
    — Vous êtes sous ma tente. Quand je vous y ai fait transporter, vous perdiez votre sang… abondamment… Nous avons fait au mieux, Richard et moi, pour mettre fin à ces épanchements… Vous aviez l’apparence d’un mort : blanc, les yeux et la bouche clos, et si l’on approchait un miroir de vos narines, votre souffle le ternissait à peine… Nous vous avons fait boire quelques gouttes d’un remède cordial que j’emporte toujours avec moi. J’ai fait quérir Tilford, le meilleur de nos mires… J’ai agi pour vous comme j’aurais aimé qu’on le fît pour moi lors d’un événement semblable… Il fait nuit… Demain, si vous allez mieux, je vous ferai conduire à Calais.
    — J’ai… j’ai fort mal… Partout…
    — Ayez foi en ma compassion !
    Était-ce la vérité ? Pouvait-on se fier aux propos d’un Anglais ?
    — Je brûle et me consume…
    — Vos épaules ont été percées par des sagettes ; votre oreille senestre a été à demi arrachée ; une estocade a failli vous ouvrir le cœur ; une autre a traversé votre flanc dextre… Mais vous êtes d’une espèce rare : moult chevaliers, même vêtus de leur harnois de fer, eussent reculé devant la forcennerie de Cobham !… Vous l’avez affronté dignement. Votre nom vous est méconnu ? Il vous reviendra en mémoire comme celui de votre épouse, car je vois un anneau à cette main qui pend…
    Le blessé entendait à peine, vaincu par une pâmoison.
    Il était entouré de vapeurs suffocantes. Perçant des draperies d’un rouge étincelant, des crocs de fer s’acharnaient sur ses chairs, écorchant, arrachant, extirpant sans trêve et sans miséricorde. Il n’était plus qu’une palpitation béante,
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