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Le jour des reines

Le jour des reines

Titel: Le jour des reines
Autoren: Pierre Naudin
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n’a pas jugé utile de se garantir d’une armure, est attaqué par un homme fervêtu : Renaud de Cobham. C’est un combat inégal à la suite duquel, vaincu et perdant son sang en abondance, le champion de Philippe VI gît dans l’herbe, résigné à mourir…

PREMIÈRE PARTIE LES DAMES DE WINSLOW

I
    C’était l’instant qu’il redoutait le plus : surgis des ténèbres où sa brève léthargie les avait maintenus, ses ennemis revenaient l’assaillir. Angoissé, impuissant à les repousser, il hurla dès les premières écorchures, dévastant les draps poisseux pour essayer, en remuant, de se soustraire à des tourments plus cruels.
    — Non ! gémit-il. Non !
    Déjà, des serres acérées tenaillaient sa poitrine ; des poignards transperçaient ses épaules ; une épée embrasée s’enfonçait dans son cœur.
    — Pitié ! Pitié !
    Sa chair ruisselait sous ses reins, sa nuque. Le moindre mouvement, plutôt que de les émousser, aiguisait les instruments de son martyre. Si peu qu’il s’en fut soulagé en criant, la douleur fulminait, maligne, insatiable.
    — Achevez-moi, supplia-t-il.
    Des visions déchiquetées hantaient sa mémoire : lambeaux de gestes guerriers, courroux en dérive, séquelles d’une malheureuse aventure qu’il s’obstinait à tirer des limbes sans jamais parvenir à la recomposer.
    Une main releva un rideau. Dans la profondeur de la pièce ainsi révélée clignotaient d’innombrables chandelles. La lumière, vaporeuse comme un brouillard, rehaussa la présence d’une femme en sarrau noir dont les manches bouffaient aux épaules.
    — Allez-vous m’apporter des soins et des remèdes ?… M’en avez-vous déjà donné ?
    Elle s’approchait lentement. Ses cheveux sombres et touffus, retenus par un frontal d’argent, accusaient la lividité de sa face ronde. Un faible tremblement de sa grosse mâchoire précéda un sourire dont l’aversion, peu à peu révélée, s’accordait à la voracité du regard :
    — J’aime à te voir ainsi ! J’aime tes cris quand tes plaies te cuisent !
    Elle se pencha au-dessus du lit. Sous son nez camard aux narines dilatées, sa bouche était d’une telle netteté qu’elle semblait prête à mordre.
    — Que vous ai-je fait ?… Que me reprochez-vous ?
    Le gisant trouva dans le regard occupé à scruter son visage une satisfaction insondable :
    — Tu n’en as pas fini avec tes tourments… Tu étais à un doigt de la mort quand ils t’ont amené… Maintenant, entre toi et elle, il y a l’espace de la main…
    — Qui êtes-vous ?… Pouvez-vous me dire mon nom ?
    — Ton nom !… Ton nom !… Your name ! Comment pourrais-je le savoir si toi, tu l’as perdu avec ton sang ?
    Il voulut lever les bras, repousser cette insolente ; une douleur flamboya de ses épaules à ses cuisses. Sa tête retomba sur l’oreiller moite de ses sueurs. La femme eut un geste de mécontentement :
    — Apaise-toi !… Plus tu t’agiteras, plus tu auras mal !
    Puis, se penchant davantage :
    — Chien de Franklin [1]  !… Tu pleures comme une girl… Pride and dignity [2] sont méconnus de tous les bâtards de ton espèce !
    Était-ce cette harpie qui le soignait ? Il avait aperçu l’ombre d’un homme. Depuis quand était-il dans ce lit ?
    — Mon fils qui fut occis par un de tes pareils, en Bretagne, avait plus de courage que toi !
    La femme leva ses mains très haut, les doigts écartés, luisants de larges anneaux d’or, et il se crut le jouet ou la proche victime d’une sorte de théurgie à laquelle, vu son état, il ne pourrait se soustraire.
    — J’ai soif… Je… je plains votre fils… La guerre…
    — La guerre, la putain de guerre que vous perdez ! Je te laisse… N’aie crainte, je viendrai bientôt te donner un breuvage qui te soulagera. Quelle que soit ma haine envers toi, j’ai reçu commandement de te soigner… J’ai fait serment à messire Tilford, mon maître, de l’aider à te sauver…
    Elle n’était donc qu’une servante. Qui était ce Tilford ? Un mire ?… Assurément un Anglais. Et lui, qui était-il ? Pourquoi, dans un état si misérable, se trouvait-il chez les Goddons ?
    La femme s’en alla ; le rideau retomba sur les clartés vacillantes. Aussitôt, les douleurs s’exacerbèrent et le gisant eut envie d’appeler à l’aide tandis que la souvenance des maux qu’il avait endurés avant ceux dont il était présentement perclus, revenait hanter son crâne
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