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Le jour des reines

Le jour des reines

Titel: Le jour des reines
Autoren: Pierre Naudin
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le ronge.
    —  Tuez-moi !… Je brûle de toutes parts !… Pitié !
    —  Aidez-moi, messires.
    Quelque chose sur ses lèvres. Un liquide pâteux… On desserrait sa mâchoire. Impossible de boire : il étouffait… Qu’est-ce qu’on introduisait dans sa bouche ?… Un entonnoir !… Ses dents grinçaient sur le cuivre… Ses gencives, sa langue cessaient de se racornir.
    —  Il va dormir… Laissons-le… Veille sur lui, Richard !
    — Son pouls reprend quelque vigueur.
    — C’est l’effet de votre mixtion, Tilford !
    — Certes… Il faut que les coutures que je lui ai faites ne s’enveniment pas.
    — Voulez-vous que je vous fasse porter du vin de qualité pour toutes les compresses destinées à chasser le pus ?
    — Non… À Londres, juste avant de venir en Bretagne, puis à Calais, j’ai pris connaissance d’un traité du dominicain, évêque et chirurgien Teodorico de Lucques. Il prescrit des lavages à l’eau claire, préalablement bouillie.
    — Vous l’avez recousu partout !… Pourquoi avez-vous donc renoncé aux cautères ?
    — Le seul toucher d’un fer brûlant eût entraîné sa mort.
    — Bien, Tilford… Cette fois, je m’en vais !… Je croyais que la conquête de la tour de Sangatte par ce garçon et les manants du Tournaisis annonçait une bataille à outrance [12] . Il ne le semble pas… Le roi de France a déployé son armée… ses bannières… mais nullement son courage… Allons, je vais être en retard au conseil d’Édouard, mais il ne m’en tiendra pas rigueur… Veille sur lui, Richard…
     
    *
     
    —  Veille sur lui, Richard !… Veille sur lui, Richard !.. Ce n’est qu’un maudit Franklin qui nous a occis des hommes !
    — Soyez quiet, Richard. Si Masny pouvait ouïr vos propos et voir votre fureur, il vous retirerait sa confiance… La guerre entre la France et l’Angleterre est une chose dure… Après tant d’actions funestes commises par Cobham, la générosité de Gauthier de Masny…
    La nuit… Vivait-il ? Noir d’enfer ? Noir céleste ? Tout son corps macérait dans un venin sanglant. Ses poumons refusaient de s’emplir. Une vaste tour de bois d’où vrombissaient des flèches. Une foule d’hommes de guerre. Des fossés encombrés de morts et de mourants…
    La nuit qui est parfois le meilleur des remèdes…
     
    *
     
    Il éprouva la poussée d’une main douce sur son front. Cette pression suscita, dans le douloureux désordre de son esprit, une douceur inespérée.
    —  On ne peut pas dire qu’il aille mieux, mais il ne va pas plus mal.
    — Bien, Tilford. J’aimerais qu’il partît dans cette nef qui nous vient de Bretagne… ou plutôt de Bordeaux. Sans doute est-elle pleine de bons vins auxquels le roi nous fera goûter… Mais Richard n’est point là ?
    — Non… Et si je puis me permettre un conseil, messire, ne lui confiez point la garde de ce jeune homme : il le hait.
    — Croyez-vous qu’il pourrait l’achever ? Il est vrai qu’il a perdu son père devant Barfleur, le 14 juillet dernier, puis son oncle à Valognes, en moins d’une semaine… et son frère, quelques jours après, à Saint-Lô… Je comprends qu’il haïsse à ce point nos ennemis. Cependant s’il occit celui-là, ce sera un forfait qu’il paiera de sa vie. Dites-le-lui, Tilford.
    Une femme aux cheveux d’or ennuagée de linges clairs… Je veux savoir son nom. Je sais que ce n’est pas un ange !
    —  Cette grosse perte de mémoire, les Grecs l’appelaient amnesia : oubli. C’est le second cas dont je suis témoin. Cet homme n’est pas un simulateur.
    — Ce mal est-il incurable ?
    — Il advient qu’on en guérisse à la suite d’un heurt… Ainsi, une rencontre avec quelqu’un que l’on a bien connu… aimé ou détesté. Une sorte d’éblouissement se produit… qui éclaire la mémoire.
    — Il porte un anneau d’or : il est donc marié. Son épée vient de Solingen, j’en jurerais. Je la lui restituerai à condition qu’il ne s’en serve plus contre nous pendant un an.
    — C’est peu.
    — Croyez-vous ?… On voit, Tilford, que vous n’êtes point batailleur ! Passez la nuit à son chevet. Je vous dédommagerai de toutes vos veilles. Il me faut rejoindre le roi et boire à la victoire. Bien qu’il nous ait envoyé ses ambassades et souhaité nous affronter, Philippe VI n’est pas enclin à nous livrer bataille : Calais nous appartient désormais pour toujours !

II
    Le prisonnier
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