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Le cri de l'oie blanche

Le cri de l'oie blanche

Titel: Le cri de l'oie blanche
Autoren: Arlette Cousture
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le bébé à terme. Maintenant, son ventre montrait qu’une
maternité se préparait. Mais son médecin hochait toujours la tête, d’étonnement
et d’incrédulité.
    – Ça a pas de sens, madame Lauzé. Vous
mangez des tomates depuis sept mois, vous avez l’air enceinte de trois mois,
vous avez eu des contractions le mois passé pis vous avez eu des pertes tout le
temps de votre grossesse. Je vends ma chemise si on sort un bébé de tout ça.
    Elle répéta ces propos à Clovis.
    – Oh ! non. J’ai pas besoin de
chemise.
    En juillet, Blanche commença à respirer.
Maintenant, le bébé pouvait naître. Clovis essaya d’annuler tous ses voyages.
Les jours passèrent lentement et Blanche, Clovis à ses côtés, préparait la
chambre du nouveau-né. Ils étaient certains que le bébé serait à la maison le
15 juillet au plus tard. Le docteur Trudeau, lui, s’étonnait qu’il ne le fût
pas encore. Le 20 juillet, Clovis dut partir pour Cap-Chat.
    – Penses-tu être capable de
m’attendre ? Je reviens le 1 er août.
    – Au rythme où ça va, je pense être
capable de le garder jusqu’à Noël prochain.
    – J’vas être à l’hôtel Cap-Chat. Essaie
quand même d’attendre. Je voudrais être là quand le boy va arriver.
    – La girl.
    – Le boy.
    Blanche, toute seule, ressentit les premières
contractions cinq jours plus tard. Elle appela un taxi, prit sa valise et
partit à l’aube, le cœur léger, le corps presque heureux de se préparer à
souffrir. Elle savait que Clovis dormait encore et elle se promit de lui
téléphoner de l’hôpital.
    En une heure, les douleurs s’intensifièrent et
se rapprochèrent tellement que le docteur Trudeau se demanda s’il ne devait pas
procéder à une césarienne. Blanche refusa. Elle souffrit toute la journée,
revoyant tous ces accouchements auxquels elle avait participé, se trouvant
ridicule en repensant aux mots d’encouragement qu’elle avait dits aux mères.
    – Il est dix heures du soir, madame
Lauzé. Vous devriez avoir une césarienne.
    – Le cœur bat encore bien ?
    – Oui. Sans problème.
    – D’abord, j’attends.
    – J’vas être obligé de vous confier à un
collègue.
    – C’est pas grave.
    – Votre mari s’en vient ?
    – Non. J’ai pas eu le temps de l’avertir.
Même si je l’avais fait, il aurait pas pu être ici.
    – Voulez-vous qu’on appelle quelqu’un de
votre famille ?
    – Non, merci. Ça va très bien.
    Les infirmières vinrent lui tenir compagnie.
Blanche essaya de les remercier mais elle n’avait plus aucune force. Son corps
était vidé de son énergie. Elle s’assoupit, malgré les contractions, malgré sa
peur que l’enfant à naître ait des problèmes. Elle n’avait pas eu besoin du
docteur Trudeau pour savoir que la vie de l’enfant était menacée, autant par
les neuf mois qui l’avaient précédé que par la dernière journée qui s’était
terminée sur le coup de minuit.
    Blanche sursauta. Les contractions avaient
cessé. Elle appela l’infirmière qui, à son tour, manda le médecin de toute
urgence. Blanche fut conduite à la salle d’accouchement. La dilatation était
totale mais l’utérus avait décidé de dormir. Blanche avait des tremblements qui
la secouaient de la tête aux pieds. Son corps manifestait violemment son
épuisement.
    – Le cœur, docteur ?
    – Régulier, mais faible. Je vous endors
tout de suite.
    – Césarienne ?
    – J’vas d’abord essayer de pousser avec
mes mains. Ensuite, si le bébé sort pas, je coupe.
    –  O. K.
    Blanche fut endormie à six heures et demie et,
quinze minutes plus tard, au moment même où son père écrivait à sa mère pour la
supplier de l’attendre, Élise fit son entrée dans le monde, les sourcils
froncés, les poumons en pleine forme, les poings fermés, l’air offusquée
d’avoir été tant bousculée.
     

5 3
     
    Émilie lisait son journal. Le bilan des décès
était lourd. Cette deuxième grande guerre lui paraissait encore plus violente
que la première. Elle soupira quand même d’aise en pensant que Clément, craignant
d’être enrôlé, s’était enfoncé quelque part dans la forêt touffue de l’Ontario.
Elle savait que les gens grondaient presque aussi fort que les canons devant ce
qu’ils appelaient « la lâcheté des jeunes Canadiens français » ;
elle-même admirait son fils et ceux qui, comme lui, refusaient de défendre une
cause étrangère à leur patrie.
    En ces temps de
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