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Le cri de l'oie blanche

Le cri de l'oie blanche

Titel: Le cri de l'oie blanche
Autoren: Arlette Cousture
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encore
enceinte. Je voudrais aller à l’hôpital. Peut-être que comme ça j’aurais des
meilleures chances de le garder.
    Clovis s’agita comme une toupie et Blanche,
malgré son inquiétude, réussit à sourire en pensant à ce que ce serait si elle
devait accoucher. Le docteur Trudeau l’attendait. Elle fut alitée et on lui
recommanda de ne plus se lever. Elle obéit. Clovis passa tous ses moments
libres à ses côtés, faisant des millions de projets pour l’enfant à venir, un
garçon évidemment.
    – À ta place, j’y compterais pas trop.
Marie-Ange pis Alice ont eu des filles.
    – Tu as jamais fait comme les autres.
    Ils regardèrent arriver l’année 1940 par la
fenêtre de l’hôpital. Blanche ne bougeait toujours pas, s’encourageant en se
disant qu’elle n’avait jamais porté aussi longtemps. À regret, Clovis dut
s’absenter. Blanche lui écrivit sur un bout de papier la liste des vêtements
qu’il devait mettre dans sa valise. Il lui remit une copie de son itinéraire et
une autre lettre, remplie de rires et de plaisir, qu’elle relut tous les jours.
    Les saignements commencèrent pendant son
absence. Le docteur Trudeau examina Blanche et hocha la tête.
    – Ça m’étonnerait s’il restait là. Vous
perdez du poids…
    – Je peux rien manger…
    – Je sais.
    Blanche demeura en observation pendant trois
autres jours. Les saignements ne cessaient pas.
    – Allez-vous-en, Blanche. Courez, sautez
à la corde. Vous allez en finir plus vite. Ça donne rien.
    Blanche se leva, étourdie, mais tint bon. Elle
fit sa valise et rentra chez elle. Elle décida de faire exactement ce que le
médecin avait dit et entreprit un grand ménage. Le bébé s’accrochait. Clovis revint
et fut surpris de la voir en aussi grande forme.
    – J’ai décidé que j’étais enceinte, un
point c’est tout.
    – Est-ce que le bébé va être
correct ? Tu manges seulement des tomates à l’étuvée.
    – Je garde rien d’autre. C’est la seule
affaire que je digère. Mais quand j’vas avoir accouché, je veux plus voir une
tomate de ma vie.
    Blanche franchit le cap des trois mois. Les
saignements apparaissaient de façon sporadique mais elle les ignora. Elle
décida d’informer sa mère. Celle-ci l’encouragea, l’exhorta à faire une grimace
aux prévisions des médecins et termina sa lettre en lui disant qu’elle portait
certainement une fille parce que seule une fille pouvait avoir une si grosse
tête de mule. Blanche sourit et se frotta le ventre, qui refusait encore de
montrer son contenu. Elle se trouvait si petite que trois fois par jour elle
écoutait les battements de cœur du fœtus pour s’assurer qu’elle ne rêvait pas.
    Avril se pointa, caché derrière les rayons du
soleil. Blanche et Clovis sortaient tous les soirs de la maison et marchaient
pendant une ou deux heures, partant d’Outremont, empruntant le chemin de la
Côte-Sainte-Catherine et allant parfois aussi loin que la rue Sainte-Catherine.
Ils profitaient de ces promenades pour regarder les terrains et les maisons à
vendre.
    – Regarde celle-là !
    – Non. J’ai envie d’une maison neuve.
J’ai assez vécu dans le vieux, merci.
    – Est-ce que ça veut dire que tu aimes
pas notre logement ?
    Elle ne répondit pas, se contentant d’éclater
de rire.
    –  O. K., ma cocotte. J’vas faire un deal avec toi.
Quand le petit va avoir un an , on va dé ménager dans un logement neuf. À une condition.
    – Laquelle ?
    – Faut que ça soit un garçon.
    Blanche lui donna des coups de poing amicaux.
    – C’est pas juste. Je te l’ai dit, on
fait juste des filles.
    – Dépêche-toi d’être originale.
    En mai, Blanche eut des contractions. Elle
retint son souffle pendant toute la journée, s’assit dans la cuisine, la
planche à repasser devant elle, et entreprit de repasser tout ce qu’il y avait
de vêtements dans la maison, même ce qui était déjà plié et rangé. Clovis
éclata de rire quand il l’aperçut. Elle tut ses malaises.
    – À quoi est-ce que tu penses,
Blanche ?
    – À des noms. Qu’est-ce que tu dirais
d’Elise ?
    – Rien, parce que ça va être Charles.
    – Non, monsieur. Charles, c’est le nom de
mon père. J’aime autant lui trouver un nom neuf. Pis à part ça, une fille qui
s’appelle Charles…
    – C’est pas une fille, Blanche.
    – Oui, c’est une fille.
    – Non.
    – Oui.
    Blanche rayait chaque jour du calendrier, espérant
qu’elle pourrait rendre
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