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Le cri de l'oie blanche

Le cri de l'oie blanche

Titel: Le cri de l'oie blanche
Autoren: Arlette Cousture
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Blanche voulut lui
parler, s’informer de la santé de l’enfant, mais Germaine feignit de ne pas la
reconnaître et poursuivit son chemin. Blanche remarqua cependant que Germaine
était enceinte et eut un pincement au cœur. Elle se frotta le ventre et parla à
ce nouvel espoir qu’elle avait et dont elle n’avait dévoilé la présence à personne
pour ne pas décevoir.
    Elle entra chez elle et sourit à la vie. Il
lui arrivait de ne pas la trouver assez assaisonnée à son goût mais pour rien
au monde, pas même l’Abitibi, elle n’aurait troqué sa tranquillité, la douceur
et la compréhension de Clovis, ses dimanches. Maintenant que les grossesses de
toutes ses patientes étaient terminées, maintenant que leurs enfants vivaient,
elle pouvait couper le cordon qui la rattachait à ses petites maisons de bois,
à ses sentiers, à ses espaces. Quand l’envie de se frotter à l’écorce des
arbres la prenait de façon trop aiguë, elle marchait sur la montagne, sortant
des sentiers battus, et se familiarisait avec son nouvel environnement.
    Une lettre de Clovis l’avisa qu’il rentrerait
trois jours plus tard que prévu. Il lui donnait ses nouvelles coordonnées.
Blanche fut tellement déçue qu’elle se coucha sans souper. Pendant la nuit,
elle s’éveilla pour apprendre, encore une fois, qu’elle pouvait ranger sa
layette au lieu de passer des heures et des heures à la regarder. Elle se
tordit de douleur, pleurant et vomissant sa rage, et expulsa ce deuxième embryon,
seule, frissonnante et abandonnée pour assimiler ce nouveau chagrin. Au matin,
elle partit pour l’hôpital, en taxi, n’essayant même pas de cacher ses larmes
au chauffeur, qui se tut tout le long du trajet pour la laisser en paix.
    – Ça regarde mal, madame Lauzé. C’est le
deuxième.
    – Je sais ça.
    – Avez-vous parlé de ce que je vous ai
dit avec votre mari ?
    – Oui. On va attendre un peu avant de
penser à l’adoption.
    – Vous pouvez passer votre vie à
concevoir sans jamais avoir d’enfant. Vous êtes pas formée pour porter un bébé.
    – Je sais ça aussi.
    Elle rentra à temps pour accueillir Clovis.
    – Comment va ma cocotte ?
    – Bien. Toi ?
    – Fatigué mais content d’être arrivé.
Rien de neuf ?
    – Non, rien.
    Blanche, incapable d’admettre la stérilité de
son corps, s’était juré de ne pas parler de cette deuxième fausse couche.
    L’automne envahit tranquillement Montréal et
Blanche fit de longues promenades, ramassant, comme une enfant, les plus jolies
feuilles qu’elle trouvait. Elle reçut Paul, qui marchait droit sur sa prothèse,
mais Marie-Ange refusa toutes ses invitations. Blanche n’insista pas. Elle
comprenait le malaise de sa sœur.
    Blanche pensait du matin au soir à ces enfants
qu’elle et Clovis s’étaient amusés à reproduire à des dizaines d’exemplaires,
changeant le modèle à chaque fois, et qu’elle n’aurait jamais. Elle avait
l’impression d’être en deuil d’elle-même et de la raison de vivre qu’elle
s’était trouvée. Au mois de novembre, elle étouffait dans sa peau qu’elle était
incapable de qualifier de peau de femme. Elle mettait toutes ses énergies à
aimer Clovis pour s’assurer qu’il ne la répudierait jamais.
    Elle commença ses achats de Noël avant que les
foules envahissent les magasins. Elle acheta des livres pour sa famille
franco-manitobaine qu’elle connaissait peu. Elle rentra chez elle, monta
l’escalier et entreprit d’emballer tous les présents qu’elle avait déjà. Elle
les expédierait le lendemain, 1 er décembre, pour être certaine qu’ils seraient rendus à temps.
    Blanche regarda l’heure et commença les
préparatifs du souper. Les odeurs de cuisson lui soulevèrent le cœur. Elle
s’entêta à terminer avant de faire une magistrale indigestion. Elle prit son
calendrier et compta les jours à rebours. Depuis des semaines, elle n’avait
tenu compte que de ceux qui la séparaient de son premier anniversaire de
mariage. Elle compta une autre fois. Elle sentit son sang se glacer. Elle regarda
l’heure de nouveau et décida de s’asseoir et d’attendre Clovis. Pour fêter leur
premier anniversaire, elle lui demanderait de la conduire à l’hôpital.
    – Comment va ma cocotte ?
    – Ta cocotte va pas trop bien.
    Clovis se précipita à côté d’elle et jeta sur
la table le bouquet de fleurs qu’il avait apporté.
    – Es-tu malade ?
    – Non. Je pense que je suis
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