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Le cri de l'oie blanche

Le cri de l'oie blanche

Titel: Le cri de l'oie blanche
Autoren: Arlette Cousture
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avait laissé une miette de
cœur.
    Émilie reçut une lettre de Blanche, qui lui
disait qu’elle avait recommencé à manger des tomates. Elle s’en réjouit.
Blanche avait une vie qu’elle-même enviait. Une vie qui ressemblait à tout ce
qu’une femme pouvait souhaiter. De l’instruction et une belle carrière derrière
elle ; un mari qui l’adorait et qui ne cessait d’avoir des promotions dans
une entreprise que même la guerre ne pouvait toucher ; une fille toute
blonde et ronde qui promenait ses deux ans allègrement en parlant franc, un
français rempli de r musicaux. Elle savait que Clovis, à la naissance
d’Élise, avait fait rire tout le personnel hospitalier en expédiant à sa femme
non pas un bouquet de fleurs mais un plant de tomates bien enrubanné. Il avait
aussi obligé le docteur Trudeau à lui vendre sa chemise, qu’il avait payée un sou . Le docteur Trudeau la lui avait remise et
s’était empressé de se couvrir d’une blouse empruntée à ses collègues
chirurgiens.
    De toutes ses filles, songeait Émilie, Blanche
était celle qui avait emprunté le plus difficile chemin pour obtenir ce qu’elle
avait. C’était celle qu’elle connaissait le moins, même si elle avait vécu à
ses côtés pendant des années. Blanche était la douceur et la générosité
incarnées. Tellement différente d’elle-même.
    Émilie regarda arriver l’année 1943 avec
plaisir. Elle ne cessait de se délecter de son bonheur chaque matin quand les
enfants se bousculaient pour venir apprendre leurs lettres et leurs chiffres.
Elle ne cessait de se délecter du plaisir de voir naître toutes les
petites-filles que lui donnaient ses enfants. Même Émilien avait eu une fille.
Elle n’avait pas de petit-fils. Elle sourit en pensant à Ovila. Son nom
mourrait avec lui à moins que la vie ne donne des fils et des petits-fils à
Émilien. À moins que Clément ne trouve une femme dans le bois…
    Elle termina son année d’enseignement en
promettant à ses élèves d’être là pour la rentrée. Elle décida de passer ses
vacances à Montréal, chez Blanche, pour l’aider à vivre la fin de sa grossesse.
Elle la trouva émaciée et épuisée. Elle la força à garder le lit pendant
qu’elle-même assumerait tout le roulement de la maison. Elle passa donc ses
avant-midi à cuisiner et à nettoyer et consacra tous ses après-midi à Élise,
qu’elle emmenait partout avec elle. Clovis s’absentait souvent mais, quand il
était à la maison, qu’Élise était couchée et que Blanche se reposait, ils
passaient des soirées à parler de l’actualité, faisant voyager leurs propos de
l’Europe au Canada, en faisant des escales au Parlement de Québec, en Mauricie,
en Abitibi, en Gaspésie et souvent au Manitoba. Elle appréciait ce gendre qui
lui rappelait Henri Douville et son beau-frère Ovide, tous deux décédés l’année
précédente. Elle savait qu’à chaque mois Clovis expédiait de l’argent à sa
mère, qu’elle ne rencontrerait probablement jamais.
    Le mois d’août arriva et Émilie attendait
fébrilement que Blanche accouche. Elle espérait que ce nouvel enfant, ce boy tant attendu et qui s’appellerait Michel, naîtrait avant qu’elle soit obligée
de partir. Blanche, Clovis l’accompagnant, dut se rendre à l’hôpital le 22
août. Émilie patienta jusqu’au lendemain pour savoir que Micheline était née et
que celle-là ressemblait à son père avec sa peau mate et ses cheveux noirs.
Elle s’empressa de visiter sa fille et aperçut un plant de grosses tomates bien
rouges sur sa table de chevet.
     

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    Blanche relut la lettre de sa mère et se
mordit les doigts. Émilie avait terminé sa troisième année d’enseignement et
avait décidé de rentrer à Saint-Stanislas, pour prendre sa « vraie »
retraite. Par l’écriture tremblotante de sa mère, elle savait qu’elle était
malade.
    – Qu’est-ce que tu dirais de ça, Clovis,
si je partais avec les p’ tites pis que
j’allais passer quelques jours à Saint-Stanislas, à l’hôtel ?
    – Blanche, quand tu dis quelques jours,
je sais que tu sais exactement le nombre de jours. Combien ?
    – Une semaine, peut-être deux…
    – Une ou deux ?
    – Deux ?
    Clovis fit non de la tête.
    – Élise a cinq ans pis Micheline deux.
As-tu vraiment l’impression qu’elles vont aimer la vie d’hôtel pendant autant
de temps ? Pis toi, Blanche, penses-tu que tu vas pouvoir faire tout ce
que tu veux
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