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Le cri de l'oie blanche

Le cri de l'oie blanche

Titel: Le cri de l'oie blanche
Autoren: Arlette Cousture
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assez précaire. Il y
avait bien encore plus de mille dollars de ses héritages, mais elle voulait les
garder pour payer des études universitaires à ses fils. Parce que ses fils, ses
trois fils, iraient à l’université !
    – Je vois ce à quoi vous pensez, Émilie.
Vous n’aurez rien à débourser pour le collège ni pour le couvent.
    – Rien ? Et qui va payer ?
Vous ?
    – Pas exactement. J’ai discuté de votre
cas avec les pères et avec les religieuses… Vos enfants auront le statut
d’orphelins.
    – Orphelins ! Mes enfants
orphelins !
    Émilie crut qu’elle allait le gifler. Des
orphelins avec un père et une mère bien vivants. Tout à coup, le curé Grenier
cessa de lui faire penser à son père. Il ressemblait davantage au médecin qui
lui avait prodigué des conseils pour ses enfants alors que lui-même était
célibataire ! Des orphelins ! C’était le comble du ridicule. Elle tourna
les talons et se dirigea vers sa maison. Le curé la rejoignit en cinq enjambées.
    – Je sais, Émilie. C’est terrible. Mais
ce qui vous arrive est terrible aussi.
    – C’est pas terrible. J’attends
simplement des nouvelles de mon mari pour savoir quand je dois aller le
rejoindre !
    – Vous savez aussi bien que moi que vous
n’irez pas.
    – Pourquoi pas ?
    – Parce qu’il y a des vapeurs avec
lesquelles vous ne pouvez plus vivre et auxquelles vous ne voudrez pas exposer
l’âme sensible de vos enfants. Réfléchissez, Émilie. Réfléchissez bien. Mais il
faut que je vous dise que les commissaires embaucheront une autre personne si,
d’ici vendredi, ils n’ont pas votre réponse.
    – Mais on est mardi !
    – Ça vous laisse trois jours.
    – Pis trois longues nuits, monsieur le
curé, trois maudites longues nuits.
    Elle se tut, choquée. Jamais, jamais elle
n’avait juré. Elle avait dû scandaliser le curé.
    – Excusez-moi, monsieur le curé. C’est
presque un blasphème dans la bouche d’une femme.
    – Est-ce que ça vous a fait du bien de le
dire ? lui répondit-il en riant presque.
    – Le pire, c’est que je dois dire oui.
    – Tant mieux. Quant à moi, ça m’a
convaincu que vous réfléchirez à ma proposition. Et puis, Émilie, si j’ai un
conseil à vous donner, c’est de penser aux oiseaux de Blanche.
    Émilie vécut trois interminables journées
d’angoisse. Ovila était rapidement passé au dernier plan de ses préoccupations.
Si elle pensa à lui, ce fut pour le détester de l’obliger à prendre de
pareilles décisions. Mort ! Il était mort quelque part puisque leurs
enfants devenaient des orphelins. Félicité, sa belle-mère, en ferait une
maladie.
    Ovila était mort pour elle. Jamais plus.
Jamais plus, maintenant elle en était certaine, elle ne voudrait partager sa
maison, ses repas, son lit. Son lit… Chaque fois qu’elle pensait à son lit, à
leur lit, elle se hâtait d’éplucher des oignons. Non, Ovila Pronovost. Jamais
plus elle ne se laisserait attendrir par ses yeux et son rire et sa force et sa
beauté et son génie et sa poésie. Jamais plus, Ovila Pronovost. En trois jours,
elle l’avait enterré en pays étranger. Dans une terre d’épinettes et de roches.
La terre de l’Abitibi.
    Elle pensa et repensa à la proposition du curé
Grenier, prenant conscience que c’était peut-être la seule avenue possible. Il
y avait cependant une injustice : c’est Marie-Ange, et non Blanche, qui
aurait dû aller au couvent. Mais après quelques jours de travail à la Acme,
après, surtout, avoir reçu une enveloppe d’argent, Marie-Ange, enchantée, ne
voulut plus entendre parler d’étudier. Émilie lui en voulut mais elle respecta
son choix. Marie-Ange, finalement, faisait comme elle-même avait fait. Elle
s’était moulée dans son nouveau travail, sans regarder ni derrière ni à côté.
En avant. L’attitude de sa fille aida Émilie à prendre sa décision. Maintenant,
elle parlerait à tous les enfants ; pour avoir leur accord, certes, mais
surtout pour s’assurer qu’ils ne souffriraient pas.

 4
     
    Blanche ne parvenait pas à dormir. La journée
avait été tellement remplie de nouveautés que ses pensées venaient sans cesse
distraire ce sommeil qu’elle cherchait derrière ses paupières ou quelque part
dans une ombre du plafond.
    Il y avait eu le matin, ce matin tant attendu.
Ce matin qui avait été préparé pendant des jours et des jours. Un matin de
nervosité et d’excitation. Sa mère avait, pour la
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