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Le cri de l'oie blanche

Le cri de l'oie blanche

Titel: Le cri de l'oie blanche
Autoren: Arlette Cousture
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dernière fois, vérifié le
contenu de la grosse malle qui protégeait tous les effets dont elle aurait
besoin pendant l’année. Assise à côté d’elle, Blanche avait regardé avec une
fierté non dissimulée les jupons, tous marqués à son nom à l’encre de Chine,
les sous-vêtements, les bas, les jarretelles, son peigne, sa brosse à cheveux
et sa brosse à dents, son seul et unique uniforme qu’elle devait garder propre,
ses mouchoirs, ses tabliers et son couvre-tout, ses chemises de nuit, ses
pantoufles, ses lainages, ses gants, son manteau léger, son manteau d’hiver –
celui que sa mère avait fait dans une des couvertures de la Belgo – et ses
couvre-chaussures. Parce qu’elle avait insisté, sa mère lui avait donné le
chapelet de sa grand-mère Bordeleau, celle qui était morte quand ils habitaient
à Shawinigan, et lui avait acheté un missel neuf à la tranche dorée. Une
pensionnaire du couvent devait avoir un missel neuf. Sa mère avait ensuite
fermé la grosse malle et lui avait demandé d’y coller une étiquette sur
laquelle elle avait dû inscrire son nom et son adresse. Elle y avait inscrit
l’adresse de sa grand-mère Pronovost, préférant nettement avoir l’impression
d’habiter Saint-Tite plutôt que le lac Éric. Sa mère avait lu l’étiquette et s’était contentée de sourire après
avoir fait un petit air d’étonnement. Blanche tenait à être une Pronovost du
rang du Bourdais.
    Blanche se tourna, entraînant dans son
mouvement le drap du dessus et les couvertures. Elle soupira, s’assit dans le
lit et les replaça en faisant bien attention de ne pas faire trop de bruit.
Elle se recoucha sur le ventre et posa sa main droite sur le côté de sa table
de chevet. Elle n’avait pas souvenir d’avoir dormi seule dans un lit. Elle
avait l’habitude de dormir avec Jeanne et de lui toucher l’épaule ou le dos . Elle rythmait sa respiration sur celle de sa
sœur et c’est à l’unisson qu’elles chaviraient dans l’univers du sommeil. Elle
tenta vainement de se convaincre que sa table de chevet respirait. Elle décida
donc de la baptiser « Jeanne ». Avec Jeanne, elle avait toujours pu
dormir. Encore une fois, elle changea de position, se recouchant sur le dos , et posa sa main gauche sur le tiroir de
« Jeanne ». Elle commença à compter mentalement, mais ses chiffres se
confondirent avec les minutes qu’elle avait regardées passer pendant toute
cette journée.
    Il y avait eu les interminables minutes
pendant lesquelles sa mère s’était préparée, mettant un temps fou à s’habiller
et à se coiffer. Puis les minutes aussi longues qu’elle avait consacrées à lui
tresser les cheveux. Son frère Émilien avait aidé sa mère à installer la lourde
malle dans leur vieille calèche. Sa mère leur avait raconté qu’elle avait reçu
cette calèche pour ses vingt-deux ans. Blanche avait regardé les cheveux blancs
de sa mère puis les fils blancs qui pendaient de la toiture effilochée de la
calèche et avait compris que leur voiture devait être à peu près aussi vieille
qu’Adam, ou presque. Toutes les deux, elles avaient salué tout le monde, et sa
mère avait demandé à Marie-Ange de veiller sur les plus jeunes.
    Blanche, assise fièrement à côté de sa mère,
tenait solidement Rolande. Elles avaient roulé en silence. Blanche aurait bien
voulu demander comment serait le couvent, mais elle n’avait pas osé parler de
crainte de réveiller Rolande, que les dix premiers pas de la trotte avaient
endormie.
    Elles s’étaient dirigées vers Saint-Tite et
avaient filé directement à l’église pour assister à la messe. Elles étaient
arrivées un peu avant l’offertoire et sa mère lui avait dit que cette messe,
même amputée, était valable. Immédiatement après, elles s’étaient rendues au
Bourdais. Sa grand-mère Pronovost s’était précipitée à leur rencontre et avait
arraché Rolande des bras de sa mère. Blanche, elle, s’était lancée dans les
bras de son oncle Ovide. Elles avaient dîné là, avec toute la famille, et
Blanche s’était efforcée de bien tenir ses ustensiles pour montrer à sa mère
qu’elle serait une demoiselle au couvent. À deux heures, son oncle Edmond avait
pris la malle et l’avait mise dans sa belle Ford noire .
Sans dire un mot, elle était allée s’asseoir dans la voiture et avait attendu
que son oncle et sa mère viennent la rejoindre. Elle avait attendu ainsi pendant
au moins trois jours sans
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