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Le Condottière

Le Condottière

Titel: Le Condottière
Autoren: Max Gallo
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ton cassant, autoritaire, qui ressemblait à son profil, à son corps mince aux épaules larges mais qu'on imaginait osseux parce qu'elle avait une façon brusque de se mouvoir, de marcher comme si elle avait voulu enfoncer ses talons dans le sol.
    Et ils continuaient de trouer ma tête à chaque pas qu'elle faisait. A Paris, Clémence avait téléphoné plusieurs fois par jour, disait-elle. Puis son avocat, puis elle à nouveau. Naturellement, Joëlle n'avait rien dit : « Tu penses bien ! D'ailleurs, jusqu'à hier matin, j'ignorais où tu étais. »
    Mais il fallait comprendre Clémence, même si elle s'était montré dure, impitoyable. « Oui, je sais, avec tous : avec Ariane, avec toi. J'imagine ce que tu ressens. Après tout, elle a abandonné sa fille... » Joëlle n'oubliait rien de tout cela, répétait-elle, mais Clémence n'en demeurait pas moins la mère d'Ariane. « Tu ne peux pas la punir de cette façon. Tu devrais le lui dire. Tu la connais, elle ne te lâchera pas. C'est une obsessionnelle. Et elle doit souffrir, mais oui : qui ne souffre pas d'une chose pareille?»
    Cette « chose », c'était le corps d'Ariane.
    Joëlle ouvrit la fenêtre.
    Quel temps!
    Elle évitait de me regarder.
    - Nous avons été très secoués. Au moment de l'atterrissage, un orage a éclaté sur Milan. Tout était noir. J'ai pensé : que Dieu décide! On est indifférent, dans ces moments-là, tu ne trouves pas?
    Brusquement, elle vint près de moi, s'assit sur le bord du lit, se pencha, chuchota qu'elle m'aimait, que c'était pour cela qu'elle n'avait pas eu peur : parce qu'elle avait la certitude qu'elle devait me retrouver ici; même s'il y avait eu un accident, elle était sûre d'en réchapper, elle aurait été la seule survivante, car elle savait que j'avais besoin d'elle, si grande est la force que donne la passion ou la foi. « Mais c'est la même chose, Jean-Luc. J'ai foi en toi, en nous!»
    Elle dut embrasser cette vitre derrière laquelle je me trouvais. Elle dut y écraser ses lèvres, tout comme j'y appuyais les miennes en ne sentant qu'un froid minéral.
    Elle pesait sur moi. Son parfum entêtant m'étouffait.
    - Tu es malade, dit-elle en me touchant le front. Le docteur Ferrucci le pense aussi. C'est un homme charmant, dévoué.
    Elle passa dans le couloir. Je l'entendis chuchoter. J'aperçus Mme Antonini et le docteur Ferrucci qui jetaient un coup d'oeil à l'intérieur de la chambre. Cette voix plus grave, ce devait être celle du lieutenant de carabiniers.
    J'ai pensé que je pouvais en quelques pas rejoindre ce ciel gris.
    - Ne reste pas là, reprit Joëlle en rentrant. Nous avons juste le temps.
    Elle m'éloigna de la fenêtre. J'allais prendre froid, murmura-t-elle en m'aidant à passer mon imperméable.
    - Nous sommes prêts, dit-elle en ouvrant en grand la porte de la chambre comme pour clamer sa victoire : moi, debout, une valise à la main, ma casquette enfoncée jusqu'aux sourcils, la ceinture de mon imperméable serrée; moi, redevenu semblable à eux tous.
    - Tu aurais pu te raser, me chuchota-t-elle.
    - Peut-être aurai-je le temps de le faire à Milan, avant d'embarquer?
    Elle avait demandé à Arnaud de venir nous attendre à Roissy. Pendant le trajet jusqu'au siège de Continental, notre journal, il m'exposerait l'objet de la réunion qu'elle avait maintenue pour le soir même. Car elle était sûre - elle serrait mon poignet - que je serais rentré. Je n'étais pas homme à baisser les bras. Elle me connaissait!
    Tout en avançant dans le couloir de l'hôtel, sans lâcher mon bras, elle citait le nom des participants à cette réunion mensuelle d'orientation : Vincent, Joan, Cariniac, Georges Louvain, Bedaiev, Nouridine. Nous recevions Torane. Arnaud avait assuré qu'on ne pouvait décommander le ministre.
    - La réunion se serait tenue sans toi, Jean-Luc. Mais, en l'absence du directeur, quel en aurait été le sens? Torane n'aurait pas compris... Tu dormiras dans l'avion. Je suis sûre que ça ira. Il faut se remettre debout le plus vite possible. C'est toi qui dis toujours ça...
    Moi?
    J'essayais de retenir ce moi qui voulait fuir, glisser comme un corps jeté dans le lac. Et, une fois la vase retombée, quand les herbes et les algues oscillent à nouveau, enlaçant ce corps, viennent alors les longs poissons noirs.
    - Ça ne va pas, Jean-Luc? s'enquit Joëlle.
    Ils sont tous au courant, reprit-elle. Bien sûr, Arnaud a averti Torane, qui a proposé d'annuler, mais c'était trop
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