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Le Condottière

Le Condottière

Titel: Le Condottière
Autoren: Max Gallo
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leur exaltation. Leiburg, c'est le Mal et c'est la séduction du Mal.
    Que devient notre amour, l'Amour, si, pour tes petites raisons, tu acceptes le Mal, tu l'honores, tu le présentes comme un modèle?
    Parce que, quoi que tu dises, c'est cela qui se produira.
    Je ne peux plus t'aimer de la même façon, puisque tu es capable de cela.
    Peut-être ricaneras-tu en me lisant, ou t'indigneras-tu.
    Mais je ne pouvais t'imaginer ainsi, me dissimulant quelque chose qui, pour moi, est essentiel, et qui, pour toi - c'est ce que tu m'as répété - n'est rien d'autre que l'acte d'un directeur d'Institut assez malin pour mettre la presse et le pouvoir de son côté et utiliser la polémique, peut-être même le scandale, pour faire parler de ses activités.
    Tu aurais dû t'adresser à Hassner et à l'agence H and H. Excellente agence de publicité rachetée par Morandi, comme tu le sais.
    Je te voyais différent, au-dessus, à part. Quand je pensais à ce que je ressentais pour toi, un nom venait: Joachim de Flore, que tu avais prononcé.
    Même ce nom, je ne peux plus le répéter de la même manière.
    Tu sais que la vie est faite de rencontres, de coincidences. Hier, Jean-Luc Duguet, le père d'Ariane, m'a dit qu'il songeait à se remarier, parce qu'il voulait des enfants. Ce n'est pas cette intention qui m'a choquée. Il faut dépasser la mort. Mais il a entouré ses propos d'une mise en scène insupportable. « Joan, je vous demande votre avis, m'a-t-il dit. Vous avez tant compté pour moi. Vous vous êtes tant investie dans cette affaire. Vous avez pris des risques. Vous avez fait revivre Ariane d'une façon si sensible qu'elle est devenue inoubliable. Au fond, vous l'avez sauvée de l'oubli. Vous êtes son héritière morale. Alors, dites-moi, est-ce que j'ai le droit d'aller plus loin dans ma vie? » Etc.
    J'ai éprouvé du dégoût.
    Qui donc restera vrai, Mario? Qui ne se compromettra pas?
    Jean-Luc m'a remis un petit livre que sa fille possédait et qu'il venait de retrouver. Il pensait qu'il me revenait en témoignage de gratitude. En fait, il voulait se débarrasser de cela aussi. Peut-être est-ce à cause de ce livre que tu ne me verras pas demain.
    Sais-tu quel est son titre? Joachim de Flore. Amour et passion, mystique et espérance. Mon Joachim de Flore!
    Ce nom que j'utilisais pour nous, pour désigner ce que j'éprouvais pour toi...
    J'ai été très émue. C'était comme si Ariane m'avait rejointe. J'ai lu les phrases qu'elle avait soulignées. Puis tout le livre. J'ai pleuré comme une imbécile. J'ai souffert par avance de la séparation d'avec toi que je m'impose.
    Pour rien, dirais-tu. Et tu te justifierais une fois de plus habilement. Il faut, telle est la leçon de l'Histoire, et d'autant plus en Italie, éviter de se sacrifier: c'est toujours en vain, puisque tout demeure ambigu.
    Tu m'avais expliqué cela la première fois où nous avons déjeuné ensemble, rue Saint-Simon. Tu m'avais parlé de Savonarole, de Giordano Bruno, de Joachim de Flore - j'avais tout oublié de lui, et peut-être même, avant ce jour-là, n'avais-je jamais entendu prononcer son nom? -, tu avais dit, je m'en souviens, que les hérétiques finissent toujours sur le bûcher, et tu ne voulais pas que Cocci et moi soyons condamnés à périr pour si peu de chose. Tu as employé cette expression: « si peu de chose ».
    Tu pourrais donc m'objecter que tu restes fidèle à ce que tu m'avais alors exposé. Ce que tu organises autour de Franz Leiburg, avec ces petits messieurs, Lavignat, Valdi et même Giorgio Balasso, c'est si peu de chose, n'est-ce pas? Une opération tactique, administrative, médiatique, politique. Habile.
    Je n'aime pas cette habileté-là.
    La première fois, j'avais pris tes propos pour de la lucidité teintée d'amertume. Tu avais chantonné, t'en souviens-tu, cette chanson de Léonard Cohen :
    Give me back the Berlin Wall
    Give me Stalin and saint Paul
    I've seen the future, brother
    It is a murder...
    Je n'imaginais pas que tu serais complice.
    Je puis aimer quelqu'un de désespéré, quelqu'un qui doute, quelqu'un qui regarde le spectacle en voyeur lucide, qui veut tout voir, tout éclairer, y compris même la défaite de ceux qu'il estime.
    Je te croyais ainsi.
    C'est ma morale. J'essaie de dire tout ce que je vois. Je le fais maladroitement, sans doute. J'écris quand je suis convaincue d'approcher de la vérité. Peut-être suis-je aveugle ou myope? Mais je ne veux pas être habile. Je veux qu'on
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