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Le Condottière

Le Condottière

Titel: Le Condottière
Autoren: Max Gallo
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Continental participe au grand débat qui doit s'engager sur le sens et les valeurs de notre société européenne. Qui les donnera: Franz Leiburg et Carlo Morandi, ou Roberto Cocci? Qui protégera et sauvera Marielle? » Etc.
    J'avais écrit ce long texte sans émotion, mais j'étais trop persuadé de mon courage - de mon héroïsme ! — trop occupé à me justifier devant la rédaction pour y attacher quelque importance. Je me disais: maintenant, tu fais face; maintenant, tu ne dérives plus. Je serrais les mâchoires, tendant mon texte à Joan, lui disant: « Est-ce que cela vous va? Je crois qu'il faut expliquer à nos lecteurs les intentions de votre papier, leur montrer ainsi toute son importance. »
    Joan avait parcouru les deux feuillets en quelques secondes, sans vraiment les lire, puis me les avait rendus, murmurant que j'étais seul juge, mais qu'elle acceptait qu'on ne publie pas son récit. Elle aurait trouvé cela naturel, normal. Son texte, au demeurant, n'était-il pas dépassé, daté? Morandi avait été mis hors de cause dans les affaires les plus graves. Giorgio Balasso, le rédacteur en chef d'Il Futuro, avait été le seul à passer quelques jours à la prison de Parme. Depuis, il s'était rétracté, on l'avait libéré et il avait repris ses fonctions. Joan avait même eu la tentation de conclure son récit par les dernières lignes de Stendhal, dans La Chartreuse: « Les prisons de Parme étaient vides, le comte immensément riche... » Morandi n'était-il pas l'héritier des comtes Bardi? Je m'étais enthousiasmé, mais Joan avait ajouté que la référence était peut-être trop appuyée, répétitive. « A vous de décider », avais-je conclu.
    Au moment où elle s'apprêtait à quitter mon bureau, je m'étais rendu compte qu'à aucun moment je n'avais éprouvé pour elle de l'attirance, comme si tous les sentiments qu'elle m'avait naguère inspirés et les nuits - quelques-unes, peu nombreuses, il est vrai - que nous avions passées ensemble n'avaient jamais existé. Et pourtant je l'avais aimée, j'avais eu la certitude, durant plusieurs mois, que ma vie dépendait d'elle, qu'elle seule pouvait me sauver. J'avais été prêt, si elle l'avait voulu, à l'accueillir chez moi, à l'épouser, pourquoi pas?
    Elle n'était plus que Joan Finchett, une excellente enquêtrice, une remarquable journaliste qui vivait, disait-on, avec Mario Grassi, cet essayiste qui dirigeait l'Institut culturel italien, rue de Varenne.
    Mais je ne prêtai pas davantage attention à ce deuxième signe.
    Je me félicitais : quelle maîtrise de soi, quelle sortie exemplaire du gouffre où je m'étais enfoncé durant des mois: clinique, cure de sommeil, psychiatrie, absence d'énergie, dérive, malaise, dépendance morale à l'égard de Joan. Maintenant j'agissais; les mains sur ma blessure ouverte, je contenais le sang.
    J'étais fier de moi!
    A raison de deux ou trois séances par semaine, je voyais alors le docteur Boullier, qui est aussi psychanalyste. Il me recevait dans son cabinet, dans l'un des immeubles récents qui bordent la rue de Sèvres et qui font face au square. La pièce était petite, basse de plafond, mais claire; parfois, quand le docteur me raccompagnait, je m'avançais jusqu'à la baie vitrée donnant sur une étroite terrasse et j'apercevais les massifs du square, et même les bancs sous l'un desquels, d'après Joan Finchett, Ariane avait dormi, la première nuit, avec cet Africain, Makoub. Elle avait obtenu son témoignage et, grâce à lui, retrouvé ce photographe, Livio Roy, dont je connaissais l'atelier, rue de la Gaîté, pour y avoir cherché à mon tour, après qu'elle m'eut définitivement quitté, la trace d'Ariane. Roy, ignorant qui j'étais, m'avait dit, parlant de ma fille, qu'elle possédait « la tête et le cul », donc tout ce qu'il fallait pour faire une brillante carrière.
    Je me souvenais de tout cela et j'en avais fait le récit au docteur Boullier, mais, quand j'avais voulu revenir sur chaque épisode, recommencer à lui raconter la vie d'Ariane telle que je l'imaginais après coup, telle que Joan Finchett l'avait reconstituée, il m'avait interrompu.
    Avec moi, disait-il, il refusait de n'être qu'un accoucheur silencieux, le témoin de mes errances et de mes bavardages. J'étais un professionnel des mots, n'est-ce pas, je les retournais, les modelais à ma guise, je jonglais avec eux, je tenais sûrement à sa disposition et à la mienne de multiples interprétations de
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