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Le Condottière

Le Condottière

Titel: Le Condottière
Autoren: Max Gallo
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tinter des clés. Elle ouvrit la porte de ma chambre. Je me laissai tomber sur le lit.
    Il s'était assis à mon chevet, m'avait saisi le poignet.
    Les yeux mi-clos, j'essayais de faire venir jusqu'à moi son visage, de l'extraire de cette pénombre où il se trouvait confiné, afin de le reconnaître.
    Il portait des lunettes rondes cerclées d'un fil métallique noir. Le front était bosselé, la barre des sourcils continue, épaisse; les cheveux luisants, taillés en brosse, les tempes dégagées. Les os des maxillaires et des pommettes, proéminents, étaient soulignés par un collier de barbe coupé en pointe qui allongeait encore le visage.
    Il me parlait les lèvres serrées, chuchotant comme pour une confession.
    J'avais la fièvre, expliquait-il, une respiration difficile, une tension élevée.
    Je n'avais même pas remarqué qu'il avait dénudé mon bras, l'avait serré dans ce brassard de toile, avait énoncé des chiffres que j'avais déjà oubliés.
    Une angine, la fatigue, l'état de choc, conclut-il.
    - Il faut vous remettre sur pied, reprendre le dessus.
    Il serrait toujours mon poignet. Il allait me faire une piqûre.
    J'ai libéré mon bras d'un brusque mouvement.
    Je me souvenais de ce que m'avait rapporté l'homme qui avait vu le corps d'Ariane et remarqué les plaies, les traces de piqûres sur ses bras et ses cuisses.
    - Je vous en prie, soyez raisonnable, reprit Ferrucci.
    J'avais perdu tous repères. Il n'y avait plus que ce ciel de pluie, bas, qui se perdait dans l'eau du lac, ne faisait qu'un avec elle; les sommets, les rives qui le bornaient étaient enveloppés de nuages et de brouillard, si bien qu'il n'existait plus ni limite ni horizon, simplement cette grise confusion qui changeait de forme à tout instant sans s'effacer jamais.
    Ferrucci s'était installé à la table et, le dos droit, écrivait.
    Je devais réfléchir, disait-il. Il se tenait à ma disposition. Peut-être faudrait-il m'hospitaliser à Côme. Le plus sage était pour moi de rentrer en France, de m'y faire soigner. Mais il pouvait ordonner mon transport par le lac; L'Innomato passait en fin de journée et ne faisait qu'une escale avant Côme. Là, si je voulais, une ambulance m'attendrait.
    Il me tournait toujours le dos.
    C'est à ce moment pourtant qu'il est sorti pour moi de la pénombre, peut-être à cause de la forme de sa nuque, de ce profond sillon partant de la base du cou et qui divisait le crâne rasé jusqu'à son sommet.
    Je me suis alors souvenu de cette silhouette qui se trouvait dans la pénombre du hangar, devant les barques, leur faisant face, si bien que je n'apercevais que son dos, comme s'il n'avait pas souhaité me reconnaître ou qu'il eût peur de regarder le cercueil, le hublot, Ariane au visage bandé.
    - C'est vous qui l'avez examinée, ai-je dit.
    Il m'a semblé qu'il rentrait la tête dans les épaules comme pour se protéger, éviter le coup que j'allais lui porter.
    Il referma sa sacoche. Il resta un instant ainsi, voûté, à m'expliquer, comme s'il n'avait pas entendu ma question, qu'il venait de rédiger une ordonnance, que le plus sage aurait été de m'administrer une série de piqûres, mais, puisque je m'y refusais...
    Il s'était tourné, avait ôté ses lunettes. Il se tenait ainsi à contre-jour, de nouveau dans la pénombre, mais j'imaginais ses yeux enfoncés au-dessous des arcades sourcilières saillantes.
    - Je suis le seul médecin de Dongo, lâcha-t-il d'une voix calme, si faible que je devais deviner les mots. Il se leva et ajouta : Vous êtes malade, monsieur. Il ne faut plus sortir de l'hôtel. La pluie est glacée. Tout est imprégné d'humidité. Ce climat ne pardonne pas, monsieur.
    J'ai fait un pas vers lui. Il a reculé, tenant sa sacoche à deux mains contre sa poitrine.
    «Qui pardonne jamais? » ai je pensé.
    J'étais couvert d'une sueur froide; je claquais des dents.
    Il l'avait touchée. Il l'avait vue. Ces plaies, ces piqûres sur les bras et les cuisses, les avait-il examinées? Il avait accordé le permis d'inhumer. Mais elle n'était pas morte noyée, n'est-ce pas?
    Il était resté au fond du hangar, le visage dissimulé, mais, à présent, je l'avais reconnu. Avait-il honte, peur de me faire face?
    - Vous délirez, dit-il en reposant sa sacoche.
    Il est venu vers moi, m'a dévisagé et, me prenant aux épaules, m'a guidé vers le lit.
    Je n'ai pas résisté, épuisé comme après un effort démesuré.
    Debout près du lit, ses longs doigts joints aux
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