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Le Condottière

Le Condottière

Titel: Le Condottière
Autoren: Max Gallo
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l'explique.
    - Je pars, avais-je lancé à ma secrétaire. Qu'Arnaud prenne toutes les décisions.
    - Un problème, monsieur? Grave?
    Elle avait couru à mes côtés dans le couloir. « Votre fille? » avait-elle demandé en soufflant.
    Ils savaient tous, au journal. Comme moi.
    - Ma fille, oui. Il fallait bien, un jour ou l'autre...
    Derrière le hublot, son visage poupin. Le drame avait eu lieu. Je ne craindrais plus le pire, désormais.
    Peut-être qu'à certains moments de la journée, quand j'hésiterais sur un mot, surgirait une image fugitive. Je chercherais en vain à la situer : voyons, c'était...
    Sur une route de campagne, au bord d'un fleuve. Ariane apprenait à faire du vélo. Nous étions seuls, déjà, Clémence partie. Je criais : « Plus vite, plus vite, tu ne garderas l'équilibre que si tu prends de la vitesse ! Fonce, fonce ! »
    La vie avait été si vite, elle.
    Je n'aurais plus, comme durant ces quelques années où je l'avais perdue, incapable de savoir où et comment elle vivait, à hésiter à déclencher des recherches qui l'eussent conduite — je la connaissais ! — à s'enfoncer encore plus avant dans cette forêt inconnue où elle avait choisi de vivre loin de moi.
    J'avais alors préféré attendre, rester à la lisière, espérant la revoir, recevoir une carte postale.
    Ces années-là, c'est moi qui téléphonais à Clémence.
    - Mais pourquoi veux-tu qu'Ariane m'appelle? Enfin, Jean-Luc, elle va avoir dix-sept ans ! Les filles aujourd'hui, à dix-sept ans... Je crois que tu ne te rends pas compte...
    J'avais rencontré Roy, un photographe italien avec qui, je l'imaginais, elle avait vécu quelques mois. C'était il y a trois ans déjà. Il m'avait préparé un café dans son atelier, rue de la Gaîté, au milieu des photos qui séchaient.
    - Ariane? Il avait levé le pouce. Solide, disait-il, du chien! Elle en veut. Elle en aura. Elle a ce qu'il faut : le cul et la tête!
    Je n'aurais plus à écouter ça, je n'aurais plus à serrer mes poings dans mes poches pour ne pas me ruer sur ce type pareil à une silhouette sur une affiche : chemise à carreaux, col ouvert, peau bronzée, pantalon de toile, allant à grands pas, gesticulant des bras tandis qu'il parlait.
    Tout serait dorénavant plus simple, puisque les choses étaient allées à leur terme.
    Au journal, j'ai gagné ma place habituelle dans le cercle, assis à droite du ministre Torane. Il s'est penché vers moi. Il avait appris. Il comprenait tout ce que cela devait signifier pour moi. Cette fin de siècle était si difficile pour les jeunes : notre société si vide de sens, n'est-ce pas? C'est notre devoir de tenter quelque chose, d'ouvrir une issue.
    Il n'y avait que cette issue, avait dit le docteur Ferrucci : la part de Dieu.
    Torane toussotait. J'ai posé la première question.
    A quel moment les voix se sont-elles éloignées, devenant ce murmure, ce bruit de vagues frappant la berge?
    J'ai eu envie de m'allonger là, afin que cette vague me roule, m'engloutisse, me fasse disparaître. Et j'ai senti que j'allais tomber, que ma tête allait m'entraîner en avant.
    Quelqu'un - Arnaud? - me secouait par l'épaule. « Tu conclus ? » demandait-il à voix basse.
    J'étais assis en face de Joan Finchett. Elle avait moins de trente ans. Peut-être ne l'avais-je pas embauchée, comme je l'avais cru et prétendu, parce qu'elle était diplômée de Harvard, qu'elle avait déjà, quatre ans durant, enquêté pour un magazine de New York sur les personnalités du monde des affaires, mais parce que je souffrais, chaque fois que je la regardais, comme si elle avait incarné un rêve impossible : Ariane dont j'avais imaginé qu'elle travaillerait un jour avec moi au journal. N'avait-elle pas dit, mais il y avait si longtemps qu'il s'agissait d'une autre vie : « Je ne te quitterai jamais, papa, tu le sais. »
    Je m'étais moqué d'elle tout en pensant : « Pourquoi pas? »
    J'ai regardé Joan. Je me suis levé en m'appuyant aux accoudoirs du fauteuil.
    — Ariane est morte, ai-je dit. Je veux savoir qui a tué ma fille.

    6.
    J'AVAIS parlé comme un fou.
    Qui d'autre qu'un dément peut proférer tout à coup ce qu'il ressent en oubliant l'endroit où il se trouve, incapable de dissimuler ses émotions?
    Cachant mon visage dans mes paumes, j'ai sangloté, peut-être déjà de honte d'avoir exhibé malgré moi mon désespoir, violé les règles et coutumes de la tribu. Je devinai qu'ils quittaient rapidement la salle de réunion,
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