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Le combat des Reines

Le combat des Reines

Titel: Le combat des Reines
Autoren: Paul C. Doherty
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noir, le silence menaçant rompu par le
craquement du cuir et le tintement des hauberts. Des hommes, le cœur plein de
furie, bien décidés à tenir bon contre la sombre masse des ennemis s'approchant
des murailles. Des églises à la lumière consacrée et la pénombre mouvante ;
devant leurs jubés, des cercueils drapés de noir et entourés de cierges
pourpres, renfermant les corps des victimes, sous la garde de veilleurs
récitant leurs patenôtres pendant que dans l'ombre des transepts ceux qui
ourdissent d'autres meurtres étranglent le prêtre sans bruit. Des châteaux
menaçants dominant des champs de bataille détrempés de neige ensanglantée. Des
forêts et des bois grouillants d'hommes qui se déplacent en silence autour de
ceux qu'ils laissent pendus aux branches étendues d'un chêne ou d'un sycomore.
Des villes en flammes. Des gibets érigés au portail des cathédrales. La
pestilence rampant dans un pays dévasté. Les morts engorgeant des fossés
répugnants. Les vivants agenouillés priant désespérément pendant qu'Abaddon,
l'Ange du Puits sans Fond, coupe la corde et vide sur la terre le sac de la
colère de Dieu. J'ai aussi vécu dans un monde de secrets, de lubricité
amoureuse peuplé de Judas et de losengiers * [2] ,
ces traîtres à l'amour courtois.
    Je peux bien
être desséchée et flétrie comme une vieille prune. Mes cheveux sont gris et
raides ; ma peau tannée comme du cuir sec. Pourtant j'ai mené une
existence pleine, bu, et même lampé, au gobelet de la vie. Alors pourquoi
écrire ? Eh bien, chaque âme a sa chanson, la quintessence de son être, et
celle-ci est la mienne. Ma confession à Dieu. Mon entretien avec ma propre
personne. Après tout, les conversations les plus intimes et les plus agréables
ne sont-elles pas celles que nous avons avec nous-mêmes ? J'ai vu se
dérouler l'histoire. J'ai regardé, de plus en plus inquiète, s'épanouir la
justice divine. J'ai, que Dieu m'absolve, été témoin des effets de cette
abominable malédiction que Jacques de Molay, le dernier grand maître du Temple,
avait lancée en l'Île-de-France au milieu des flammes rugissantes et des
volutes de fumée malodorante qui réduisaient sa chair en cendres et faisaient
s'envoler son âme vers Dieu comme une colombe. Quelques mots proférés seulement
et pourtant cette imprécation était montée jusqu'aux cieux avant de retomber
sur ses victimes comme une pluie de flèches, leurs barbelures coupant l'air. Ma
maîtresse y avait prêté la main. Elle qui devint la Virago Ferrea  — la
Virago de fer, Isabelle la Belle, la nouvelle Jézabel, Exterminatrice de rois,
Usurpatrice de princes, Détrôneuse, Destructrice de vies, l'Ire de Dieu
incarnée. Isabelle, mère de celui que j'appelle le Maudit, son fils, Édouard
III, aux mains rouges de sang, au visage et au cœur de faucon. Avec l'âge il a
de plus en plus sombré dans l'infamie. Il a ensanglanté l'Europe. La fumée des
bûchers funéraires noircit le ciel de Dieu. Gog et Magog se sont levés et
régnent sur le monde. Édouard et l'Anéantissement, la Grande Peste, frère et
sœur qui parcourent la terre main dans la main. Jadis médecin célèbre, j'ai
assisté à tout cela ; je suis à présent une recluse, retirée ici, et je ne
vaux pas mieux qu'une servante. Comme les temps changent ! La roue de la
fortune tourne de façon si vertigineuse ! Édouard m'a ordonné de
m'installer céans pour être près d'Isabelle, sa mère bien-aimée, maintenant
ensevelie sous ce monumental et froid sarcophage.
    — Dans la
vie comme dans la mort, Mathilde ! s'était-il moqué, un rictus de dérision
sur ses lèvres pleines et rouges. Regardez-vous, avait-il persiflé :
cheveux gris, yeux gris, âme grise. Oui, Grey Friars vous conviendra fort bien.
Je vous permets de vous y établir. Pourrais-je vous offrir mieux, vous offrir
plus grande récompense ?
    Souriant, il
m'avait caressé la tête comme si j'étais un de ses limiers.
    Je m'étais alors
armée de courage. J'avais regardé, par-dessus son épaule, ses Luparii, ses « loups », chevaliers et clercs du conseil secret du roi. Ils
m'auraient tranché la gorge si le souverain avait levé le petit doigt. Mais Édouard
ne l'osait ; en tout cas pas de façon ostensible. Il n'ignore sans doute
pas que j'ai déposé des témoignages chez de puissants ecclésiastiques à travers
tout le royaume. Ils me protègent. Ils n'ont pas le choix et cela m'amuse !
Rien de leur vie secrète ne
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