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Le combat des Reines

Le combat des Reines

Titel: Le combat des Reines
Autoren: Paul C. Doherty
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    PROLOGUE
     
     
     
    « Ainsi,
de nos jours, le désir l'emporte sur la raison. »
    Vita
Edwardi Secundi
     
    — Que
direz-vous pour votre défense quand le vent n'ébouriffera plus vos cheveux ?
Quand vous aurez la gorge sèche et ne pourrez plus dire mot, quand votre visage
sera exsangue et vos yeux enfoncés dans leurs sombres orbites ? Quand,
dans votre bouche desséchée, votre langue se collera à votre palais ?
Quand le sang ne courra plus dans vos veines ? Quand votre cou ne pourra
plus s'incliner, que vos bras ne pourront plus étreindre ? Quand vous ne
pourrez plus faire un pas ? Que répond donc ce cadavre putride à présent ?
Qu'il dise ce que la vaine gloire peut à présent lui offrir...
    Blottie à
l'ombre du grand jubé, dans la nef profonde de Grey Friars, le couvent des
Franciscains sis entre Stinking Lane près des Shambles au sud et le prieuré de
St Bartholomew au nord, j'écoutais l'homélie funèbre du prieur Stephen sur
l'homme que j'avais tué. Moi, Mathilde de Clairebon, connue aussi sous le nom
de Mathilde de Westminster, en l'an de grâce 1360, la trente-troisième année du
règne d'Édouard III, je tue encore pour me protéger. Je n'ai pas le choix. Je
suis vieille et ravagée et j'ai bien plus de soixante ans. Mes menstrues sont
depuis longtemps taries. Mon sang coule avec lenteur, mes os me font souffrir,
mes muscles sont engourdis, mais tout cela n'est que la fleur ; la tige,
elle, est, comme toujours, encore solide et vigoureuse, tout comme la racine
qui me constitue. Le grand saint Thomas d'Aquin, citant Aristote, prétend qu'« être »
n'est être que si l'on est en rapport avec autrui. Nos relations, affirme-t-il,
nous définissent, nous font naître et, dans bien des cas, font de nous des
meurtriers ou des victimes de meurtre. Je ne suis pas différente. Moi, Mathilde,
naguère servante, acolyte, conseillère, médecin, et même amante d'Isabelle,
autrefois reine d'Angleterre. Je suis à présent un témoin d'un autre âge, une
survivante. Deux ans se sont écoulés depuis le trépas de ma maîtresse et je
m'abrite au milieu de ces froides pierres grises. Isabelle gît ici dans son
sarcophage de marbre, majestueux tombeau dressé dans le chœur, à droite du
maître-autel. On l'a enterrée dans sa robe de mariée, serrant entre ses mains
le cœur de son époux, Édouard II, dont elle a, avec tant de brutalité, écourté
le règne. Mais il en va dans la mort comme il en va dans la vie : Isabelle
gît aussi près de la tombe de son grand amour, Mortimer de Wigmore. Ils sont
unis corps et âmes dans la vie et pour l'éternité.
    Visage émacié et
inquiet encadré par un capuchon bordé de fourrure, le nouveau père prieur,
celui qui prononce de terrifiants sermons, me témoigne de l'intérêt. Il me
permet d'écrire mes Mémoires — ma confession — dans un
chiffre sibyllin que seuls Dieu et moi pouvons comprendre. Ce code est si
complexe, si subtil, que même les clercs les plus compétents de la chancellerie
privée du roi ne peuvent le déchiffrer. Ils pourraient passer leur temps de
Purgatoire à tenter de le percer, ils n'y parviendraient toujours pas !
Oh, comme le roi aimerait savoir ! Il brûle de connaître mes secrets,
aiguillonné par les balbutiements fiévreux de sa mère couchée dans cette froide
chambre austère de la forteresse de Castle Rising où babouins, griffons,
gargouilles et autres grotesques de pierre la fixaient du haut des murs. Elle
parlait à ceux du passé. Des noms que je connaissais bien. Eux, je les avais
vus parader et s'afficher en plein soleil avant de glisser dans les ténèbres :
Philippe IV le Bel, le superbe roi de France ; ses compagnons, ces démons
incarnés, Marigny, Plaisians et Nogaret. D'autres ombres sinistres remontent du
passé. Tout d'abord, le pape Clément V, usurier et meurtrier, chiant le sang en
mourant, son cadavre s'enflammant tout d'un coup alors qu'il se trouvait devant
le maître-autel d'une église. Ensuite Édouard d'Angleterre injuriant la croix
après l'exécution de son bien-aimé Gaveston. Tous se rassemblent : images,
légendes, fresques dans mon esprit. Tant de souvenirs ! Des rues, refuges
ombreux, la lueur des torches scintillant sur les armes des assassins
encapuchonnés et masqués qui se faufilent sous un porche pour accomplir leur
terrible besogne. Des remparts préparés pour la guerre, garnis d'armures de
fer * [1] , de
pots incandescents luisant dans le
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