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Le camp des femmes

Le camp des femmes

Titel: Le camp des femmes
Autoren: Christian Bernadac
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d’Honneur et la Croix de Guerre 1918. Nous expliquâmes à la Gitane allemande ce que signifiait pour nous ces deux décorations, et nous lui demandâmes de nous les rendre. Elle ne voulut rien savoir et continua à se pavaner avec ce manteau. Quelques jours plus tard, j’allai la trouver et nous nous livrâmes à une bataille en règle ; malheureusement, elle était plus forte que moi et je fus obligée de capituler avec de bons coups de pieds dans le ventre. Elle s’en tira avec un œil poché et des égratignures sur la figure. Mon amie fut beaucoup plus rusée et, la surveillant constamment, profita d’un moment où elle avait ôté ce vêtement, pour découdre rapidement les rubans. Le soir, au dortoir, elle me montra les deux rubans ; nous les coupâmes en deux, elle en garda la moitié, moi de même. Évidemment la Gitane s’en aperçut et nous réunissant toutes deux contre elle, nous lui donnâmes une bonne raclée.
    Le soir du 24 décembre 1944, après une pénible journée de travail où les Allemands déployèrent toutes leurs méchancetés, nous nous réunîmes au dortoir. Notre camarade Denise, charmante brunette d’une vingtaine d’années, dont le fiancé fut passé par les armes par les Allemands, monta au troisième étage d’un châlit et, se mettant à genoux, nous récita d’une voix adorable, le petit poème « Noël 44 », que notre excellente amie Vonvon avait fait à cette intention et qui nous émut profondément.
    *
    * *
    Schoenfeld vécut un événement probablement unique dans toute l’histoire des camps de concentration : une grève de la soupe. Grève voulue, lancée, organisée par le comité clandestin de défense des déportées yougoslaves.
    — Contactée (cxvi) par les Yougoslaves, j’ai donné mon accord à la grève. J’ai promis de suivre. Très éprouvée par la dysenterie, je me hâte autant que je le puis en priant intérieurement : « Mon Dieu, aidez-moi ! Aidez-moi à ne pas manger ma soupe, j’ai tellement faim. »
    — Écrasées (cxvii) par une interminable journée de travail, en accord avec les Yougoslaves, nous avions décidé, en raison des conditions inhumaines dans lesquelles nous vivions et travaillions, de faire la grève de la soupe pour protester contre l’eau chaude pompeusement appelée « soupe ». Acte héroïque de la part des déportées déjà aux trois quarts mortes de faim. Après l’appel du soir, nous nous sommes dirigées comme à l’habitude dans les caves de l’usine qui nous servaient de réfectoire. Mais là, une surprise nous attendait : prévenu, le kommandant était là pour nous recevoir revolver au poing, accompagné de nos gardiennes schlague en main. Toutes les issues étaient gardées. La soupe était servie, mais nous sommes restées debout, aussi droites que cela nous était possible, devant nos gamelles.
    — Il (cxviii) n’y a plus de place dans le grand réfectoire, je me dirige vers le petit réfectoire. Une place libre à une table entière de Russes ; je m’y glisse silencieusement et adopte la même attitude. Elles sont debout, bras croisés, tête haute en affectant de ne pas regarder la soupe.
    — (Dans le grand réfectoire) le kommandant (cxix) exige des explications. Nous répondons que cette soupe étant de l’eau, le « repas » était insuffisant pour nous permettre d’accomplir le travail de force qui nous est imposé. C’est alors que le cauchemar commença : le kommandant, les gardiennes se ruèrent sur nous et tapèrent dans le tas, au hasard. Certaines prisonnières passaient sous les tables, d’autres sautaient par-dessus. Tout était renversé, une course affolée s’ensuivit et, ne pouvant sortir, nous tournions en rond. Combien de temps dura cette folie ? Par suite de cette cavalcade, certaines issues se trouvaient libérées, nous pûmes sortir et regagner le dortoir.
    — (Petit réfectoire) nous (cxx) entendons des cris, des jurons, des clameurs en plusieurs langues. Nous comprenons qu’on est en train de vider le grand réfectoire à coups de schlagues. Et soudain surgit une Aufseherin qui fait de vigoureux moulinets avec son « goumi » , frappe au hasard. Nous nous retrouvons dans l’entrée, sorte de palier qui dessert les réfectoires. Le kommandant est là, schlaguant au passage… et il faut passer devant lui. Je m’aperçois, avec stupeur, que ma musette (qui contient tous mes « trésors ») est restée au réfectoire, par terre. J’hésite car
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