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Le camp des femmes

Le camp des femmes

Titel: Le camp des femmes
Autoren: Christian Bernadac
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seule. Ces malheureuses filles ont toutes été assassinées.
    Je suis restée un mois au Revier. Lorsque je suis arrivée à la fin de la deuxième semaine, je savais que j’étais définitivement perdue car j’allais partir à mon tour. Il arrive parfois, dans une existence, qu’un miracle se produise ; il se produisit à Schoenfeld. Il y eut, à ce moment extrêmement critique, un changement de kommandante, ce qui me sauva la vie. En effet, la nouvelle kommandante prit en compte les jours d’infirmerie au jour de son arrivée, ce qui me donna dix-huit jours de répit et la possibilité de me remettre sur pieds…
    Ainsi, les jours se succédaient lentement, interminablement, des jours affreux où, en plus de notre épouvantable travail quotidien, un ordre pouvait surgir. Certaines d’entre nous étaient susceptibles de retourner au camp et de quitter notre kommando. Les larmes aux yeux, le cœur plein d’angoisse, l’âme chargée de peine, nous voyions nos camarades sortir des rangs, se mettre en colonne, et sans prononcer une seule parole, nous quitter, peut-être à tout jamais, en nous faisant avec un sourire forcé, plein d’un immense chagrin, le dernier petit signe de la main, et le simulacre d’un baiser d’adieu.
DÉSINFECTION
    Une fois par mois nous subissions la désinfection où nous encourions, encore, des humiliations intolérables. La désinfection avait lieu dans un camp qui se trouvait à quelques kilomètres du terrain d’aviation où il n’y avait que des prisonniers de tous âges de nationalité russe. Après une attente de plusieurs heures, toujours en rangs autour des bâtiments, nous pénétrions dans une pièce surchauffée, pour nous déshabiller, nous débarrasser de nos vêtements et de nos couvertures que nous accrochions à des cintres suspendus à des tréteaux à roulettes qui étaient désinfectés dans une pièce spéciale, pendant que nous nous dirigions vers la salle de douches. Nous avions quelques minutes pour nous laver des pieds à la tête, et nous étions trois ou quatre sous la même pomme ; puis, nous allions dans une pièce voisine attendre nos vêtements.
    Là, il nous arrivait de stationner durant des heures, assises, nues, les unes contre les autres, pendant que, sans discontinuer, des Allemands vêtus de blouses blanches venaient nous examiner non pas pour nous soigner, mais pour leur satisfaction personnelle. Ils se moquaient des femmes maigres dont la peau flasque et desséchée pendait ; par contre, ils faisaient venir devant eux les jeunes femmes ou jeunes filles dont les corps conservaient encore d’harmonieuses formes, et passaient volontiers leurs doigts écœurants sur leurs corps frêles, à la grande honte des prisonnières qui, elles, auraient volontiers claqué leurs doigts sur les figures de ces insolents. Ces messieurs étaient accompagnés de prisonniers russes qui ne devaient s’occuper que des vêtements et de la chaudière, mais, la tentation étant la plus forte, ils ne pouvaient s’empêcher de nous regarder longuement. Quelquefois c’étaient des jeunes garçons russes, d’environ seize ans, qui restaient avec ces deux cents femmes nues qui rougissaient de honte. Les fenêtres étant à hauteur d’homme, des dizaines de têtes surgissaient à chaque carreau, à la grande joie des sadiques allemands.
    Enfin, on nous rendait nos vêtements ; quant aux couvertures, elles étaient intentionnellement mélangées et, en général, on distribuait aux Françaises les couvertures les plus dégoûtantes, celles des Gitanes.
SOUVENIRS
    Nous apprîmes aux étrangères de notre dortoir quelques coutumes de notre pays. Ainsi, le jour de la Fête des Rois, nous fîmes avec le pain qui nous était distribué, un peu de confiture ou de saucisson, des tartines habilement décorées, dont certaines représentaient des escaliers. Puis, toutes ces tartines dans lesquelles nous avions dissimulé des breloques en matière plastique, furent tirées au sort. Ce fut pour nous, quelques minutes agréables où nous pûmes, enfin, avoir le sourire.
    Le 11 novembre, toutes les Françaises arrivèrent à se grouper afin de pouvoir respecter une minute de silence.
    Par contre, une camarade Française et moi, avons eu, un jour, une belle bagarre avec une Gitane à qui les Allemands avaient donné un manteau d’un Israélite qui avait été passé à la chambre à gaz ; ce manteau portait encore à la boutonnière deux rubans : ceux de la Légion
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