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Le camp des femmes

Le camp des femmes

Titel: Le camp des femmes
Autoren: Christian Bernadac
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dents jaunes disjointes, des chicots noirâtres d’où sortait une salive infecte qu’elles crachaient par terre, entre deux chansons. La promiscuité des Gitanes de l’usine était pénible. Ces femmes, pour la plupart d’origine allemande, ne savaient que voler ; certaines étaient prisonnières depuis de longues années et elles étaient considérées comme une race maudite au même titre que les Israélites. Elles furent arrêtées en même temps qu’eux, mais aucune ne fut envoyée au four crématoire. Elles furent faites prisonnières afin d’apprendre un métier et de se rendre utiles : le temps des roulottes et des manèges était révolu. Tout le monde devait se rendre utile à la Grande Allemagne. Or, parmi ces femmes qui parlaient toutes l’allemand, beaucoup étaient devenues les esclaves hébétées des S.S. ; elles auraient fait n’importe quel métier pourvu que les Aufseherinnen S.S. leur donnassent des rations supplémentaires ; leur régime était moins dur que le nôtre ; elles faisaient rarement des corvées. Leur vulgarité et leur mentalité les rapprochèrent des femmes S.S. qui nous commandaient, et elles avaient toujours des souvenirs communs tels que : vols, coucheries, et souvent assassinats.
    Une seule femme parmi cette horde de Gitanes ne leur ressemblait point ; c’était une pure Gitane native de Bohême, une fille racée qui souffrait de cette horrible promiscuité. Digne devant la souffrance, elle fut horrifiée de l’attitude d’un de ces monstres gitans qui, à la suite d’un bombardement massif sur Berlin, apprit quelques heures plus tard qu’une bombe était tombée sur la maison où vivaient les trois petits enfants qu’elle avait eus d’un Allemand, les tuant tous trois. L’attitude de cette femme fut révoltante : elle remercia les Allemands qui lui avaient transmis cette nouvelle et, rejoignant son groupe de Gitanes, se remit à chanter en tapant dans ses mains et en riant aux éclats…
    Mais revenons à notre usine. Nous restâmes huit jours sans rien faire. Cela semblait incroyable ! Ils passèrent, hélas ! trop rapidement. Nous nous demandions ce que nous allions devenir ; était-ce déjà la fin de notre supplice ? Allions-nous de nouveau travailler ? Hélas ! Il n’en fut rien ! Sournoisement on nous préparait le travail le plus exténuant que nous puissions imaginer… Les S.S. semblaient désœuvrés, mais on sentait chaque jour que quelque chose couvait, mais quoi ?
    Nous étions au mois de janvier 1945.
TRAVAUX DE TERRASSEMENT
    Un matin, on nous fit mettre à l’appel à cinq heures ; on nous compta et nous recompta. Puis, on prit les trois quarts des prisonnières que l’on divisa en trois groupes. Une angoisse nous étreignait ; qu’allaient-ils faire de nous ?
    Nous trouvant toutes séparées les unes des autres, nous jetions à nos camarades des regards attristés. Les portes de l’usine s’ouvrirent et chaque groupe, sous la surveillance de plusieurs Aufseherinnen et de sentinelles, se mit en marche.
    Pourquoi partions-nous accompagnées de sentinelles, leur mitraillette sous le bras ? Était-ce pour nous passer par les armes ?… Non, ce serait trop horrible… ! Et pourtant, nous savions que nous devions nous attendre à tout. Personne au monde pour nous protéger, personne pour nous réclamer, nos familles françaises savaient-elles seulement nos identités ? Beaucoup d’entre nous avaient été arrêtées sous de faux noms (tel était d’ailleurs mon cas).
    Qu’allait-il se passer ?…
    Nous allions bientôt le savoir. Nous commençâmes à marcher sur des chemins bitumés qui traversaient le terrain d’aviation. Cette marche cadencée nous fatigua très rapidement car depuis plus de neuf mois, nous n’étions pour ainsi dire jamais sorties. Enfin, nous nous arrêtâmes devant un petit baraquement où s’entassait tout un amas de pioches et de pelles.
    Ah ! Voilà ! Nous avions toutes compris ; nous allions faire des travaux de terrassement.
    Alors, chaque jour, nous eûmes ce même rythme de vie, même lever de bonne heure, mêmes appels, même visite à ces baraquements pour y prendre nos outils, et toujours cette marche harcelante. Nous faisions chaque jour, une bonne vingtaine de kilomètres pour nous rendre au chantier. Nous eûmes à subir le climat rude de la Prusse, le vent, la pluie, la neige. Nos minces vêtements presque aussitôt trempés nous collaient à la peau pendant plusieurs jours.
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