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Le Baiser de Judas

Le Baiser de Judas

Titel: Le Baiser de Judas
Autoren: Hubert Prolongeau
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de soldats romains. La plupart étaient déjà enchaînés au
patibulum qui reposait sur leurs épaules. Plusieurs, prisonniers politiques, étaient
marqués au fer rouge des insignes de l’État. La poussière soulevée formait un
léger nuage au-dessus du sol et provoquait des quintes de toux qu’on entendait
de loin.
    Les légionnaires contenaient les Juifs qui
tentaient de voir. L’opération était délicate. Il fallait détacher chaque homme,
hisser le patibulum, dans lequel une mortaise avait été creusée, jusqu’aux
tenons taillés sur le poteau, puis faire monter le condamné. Deux nœuds
coulants étaient alors glissés sous ses aisselles. Les prisonniers se
débattaient, et les coups tombaient dru. Escabeaux et cordes manquaient.
    Nul ne reconnut le premier crucifié. Le
centurion lui fit tordre les jambes, de manière à ce que les pieds soient
placés des deux côtés du tronc, puis, en deux coups de marteau, enfonça un clou
dans ses talons, qu’il fixa ainsi au bois. L’homme hurla. À ce spectacle, les
autres condamnés s’agitèrent, et il fallut encore user de la force.
    « Ce n’est pas une exécution, c’est un
supplice », murmura la voisine de Ciborée.
    Les condamnés étaient presque nus, et leurs
derniers vêtements arrachés avant la crucifixion. Les femmes étaient attachées
face au bois, par décence. Ses jambes fléchies permettaient au crucifié de se
soulever et de respirer plus facilement. Par instinct de survie, il le faisait,
cherchant l’air qui lui manquait. Le combat durait jusqu’à ce que l’asphyxie
gagne.
    Les premiers furent tous attachés et hissés de
la même manière, puis les Romains s’amusèrent. Un des condamnés fut crucifié la
tête en bas, un autre eut les bras cloués en plus des jambes. Des pointes
furent plantées dans les paumes d’un troisième et les soldats rirent en les
regardant se déchirer sous le poids du corps. Les cris étaient plus fréquents, malgré
le courage des hommes. Enfin les soldats, las, bâclèrent. Trois condamnés, trop
lourds, trop remuants, eurent même la chance de mourir d’un coup de lance dans
le côté. Le centurion intervint alors et se lança dans un discours sur la
nécessaire exemplarité des punitions.
    La première, la femme de Josué, un charpentier,
reconnut son mari. Elle rompit le cercle des soldats et se précipita vers lui
les bras tendus. Josué la reconnut et leva les mains. Ce fut leur dernier geste.
Du plat de son glaive, un soldat assomma la femme. Quand elle reprit
connaissance, Josué était noyé dans l’anonyme forêt des croix.
    L’opération dura toute la matinée. Le supplice
de la soif vint s’ajouter à celui déjà enduré et les crucifiés commencèrent à
réclamer à boire.
    « Quand je pense qu’on a cru qu’il était
le messie, dit un homme, cherchant des yeux Juda le Gaulanite.
    — Un messie qui finit sur la croix… Quelle
dérision ! » cracha son voisin.
    Dans le petit groupe des Juifs, la tension
était extrême. Lorsqu’elles comprirent que tous les prisonniers étaient là et
qu’aucun n’échapperait au supplice, les femmes se mirent à crier les noms de
leurs époux, tentant de forcer le barrage.
    Judas regardait. Jamais il n’oublierait la
chaleur qui vrillait les crânes, la sueur sur les faces des soldats, les
hurlements des condamnés, l’odeur qui montait des entrailles vidées par la peur.
Autour de lui, peu de femmes pleuraient. Des enfants cherchaient leur père. Un
des hommes se flatta que ses amis meurent d’une mort que les Romains refusaient
à leurs propres citoyens.
    Quand des cailloux commencèrent à voler, un
légionnaire alla trouver son chef.
    « Tout le monde est cloué ? répondit
le centurion.
    — Oui.
    — Alors laisse-les aller. Il est bon que
tous voient ce qu’il en coûte de s’attaquer à l’Empire. »
    Ce fut une ruée. À peine les rangs de soldats
s’étaient-ils écartés que les Juifs se précipitèrent vers leurs héros, leurs
martyrs, leurs morts déjà parfois. Chacun, chacune se mit à remonter les rangs
de croix, tentant de reconnaître dans un corps souffrant le père, le frère, l’amant.
    À la stupéfaction des Romains, une dignité
presque inhumaine marquait la plupart des retrouvailles. Seule une jeune fille
de quinze ans tomba aux pieds d’un homme, l’embrassa et le bénit. Son père s’approcha
d’elle et lui posa la main sur l’épaule. Sarah était promise à un autre.
    En affichant ainsi
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