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Le Baiser de Judas

Le Baiser de Judas

Titel: Le Baiser de Judas
Autoren: Hubert Prolongeau
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par l’échec. Il n’avait plus de certitudes. Au fond de
lui naissait même une idée, qu’il n’osait encore formuler et le plongeait dans
un gouffre : il avait trahi Dieu, et il ne s’était rien passé.
    Jamais un désespoir pareil ne l’avait étreint.
Il erra longtemps, indifférent aux bruits de la ville. De temps en temps, il
levait les yeux vers les maisons qu’il longeait, les imaginant l’accueillant, lui
et ses troupes, en triomphateurs. Il scrutait le ciel à s’en faire pleurer, sans
rien y voir pourtant de cet avenir auquel Jésus avait sacrifié tous ses espoirs.
    Un grand bruit le tira de sa songerie. Une
foule lui bouchait la vue. Elle criait, huait. Derrière deux soldats, un homme
avançait, porteur du patibulum. Dans ce supplicié au corps saignant, il
reconnut Jésus. Il bouscula violemment la populace versatile qui conspuait déjà
celui que hier elle acclamait. Du premier rang, il vit passer Jésus. Il était
de nouveau couvert d’un manteau rouge et on lui avait posé sur la tête quelque
chose qui ressemblait à un roncier. Il marchait les yeux baissés. Des gouttes
de sang glissaient de son visage et s’écrasaient au sol. Il trébucha une fois
et s’agenouilla. Personne ne lui tendit la main. Le brouhaha de la foule cessa
à peine. Des moqueries partaient. Il s’arc-bouta sous le poids du bois, et
parvint à se relever.
    Alors Judas sut que le dernier cadeau qu’il
pouvait faire à cet homme qu’il avait aimé sans le comprendre, à ce frère d’armes
qu’il avait envoyé à la mort en espérant le sauver, était de partager son sort.
    Il entra chez Caleb.
La maison était vide, et la table encore embarrassée du dernier repas de Jésus
et des siens.
    Il n’eut aucun mal à trouver une corde, mais
ne voulut pas laisser aux enfants de son compagnon le triste soin de le
découvrir. Le Cédron, comme tous les printemps, bouillonnait d’une eau sale
dans laquelle il trempa sa simarre. De l’autre côté, en remontant vers un champ,
se trouvait un figuier. Il était content d’avoir pris sa décision, heureux de
ne plus entendre tempêter sous son crâne la marée des noires pensées qui l’avait
submergé. Qu’importait qu’il ait eu tort ou raison : la mort vers laquelle
il se dirigeait abolissait la question. Il avait fait ses choix, et même s’il n’en
avait pas obtenu ce qu’il espérait, il avait la conviction qu’il n’aurait pas
pu faire autrement. En figeant sa vie, la mort lui donnait une signification
dont il n’était plus maître. Il partait avec sa vérité. Aux autres de juger
maintenant.
    Il caressa le figuier de la main, heureux de
sentir sous sa paume l’écorce dure dont il arracha un petit morceau. La corde
se lova à une branche. Il en tâta la résistance. Quelques bouts de bois et deux
grosses pierres lui firent l’escabeau sur lequel il monta après avoir ôté ses
vêtements, voulant sentir au dernier moment la caresse du soleil. Il passa la
tête dans le nœud coulant qu’il venait de fabriquer et regarda devant lui la
ville qui scintillait.
    Puis il fit tomber l’assemblage de pierres et
de bois.
    La corde se tendit.
    Les dernières gouttes de sa semence tombèrent
sur une pierre ronde, où le soleil les assécha en quelques instants.

BIBLIOGRAPHIE
    Écrire une fiction autour de Jésus oblige à
naviguer en permanence entre la légende et la vérité historique, l’une
pétrifiée par la foi, l’autre objet de doutes et d’approximations. J’ai donc dû
souvent faire des choix : quand pouvait-on céder à l’Histoire sans
démentir la croyance, quand pouvait-on laisser parler la foi sans sombrer dans
l’invraisemblance et le merveilleux ? J’assume la vision que je donne d’une
aventure dont ce qu’elle dit me bouleverse souvent sans que pour autant l’idée
de divinité qui l’accompagne m’ait jamais séduit.
    Pour la construire, j’ai consulté beaucoup d’ouvrages,
tant de réflexion que de fiction : voici la liste de ceux auxquels j’ai
directement puisé, certains pour un simple détail de vie quotidienne, d’autres
pour bâtir l’histoire que je raconte, que ce soit en m’en inspirant ou en
réagissant contre eux. Il en est des dizaines d’autres. Le hasard a souvent
guidé cette sélection. Au lecteur de juger si elle a été de bon conseil…
    Nombre d’entre eux, surtout récents et de
fiction, adoptent pour désigner les personnages des évangiles leurs noms juifs :
Yehouchoua, Yokanaan, Yehouda,
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