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Le Baiser de Judas

Le Baiser de Judas

Titel: Le Baiser de Judas
Autoren: Hubert Prolongeau
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compagnon, mon ami, qui me déchires ?
Mon père m’a envoyé en sacrifice pour effacer vos péchés. Tous les péchés. Elle
est là la révolution, la vraie, celle qui mènera au bonheur. Elle concerne le
peuple de Dieu tout entier, s’étend partout sur terre et dans l’espace, et
établira beaucoup mieux que vos efforts ne le feront la justice et le pardon
parce que ce sera pour l’éternité. Le royaume de Dieu est en vous, en toi. Dieu
n’est pas venu pour conquérir mais pour se retirer. Partout où il n’avait plus
besoin de commander, il a donné les rênes à l’homme.
    — Mais eux tous, là, qu’est-ce que je
vais leur dire ? Tous ceux qui t’attendent ? Tu vas les décevoir
horriblement…
    — Je ne décevrai que ceux qui n’auront
pas compris ce que je suis venu leur dire.
    — Ils voulaient de toi le bonheur, la
liberté, ici, maintenant.
    — Je leur offre une liberté plus grande
encore que celle à laquelle ils rêvaient.
    — Tu nous as dit : “Je vous prépare
un royaume.”
    — Le royaume des cieux : pas une
place-forte sur la terre… »
    Ses blessures le firent grimacer. Un rat passa
entre eux, qu’aucun des deux ne pensa à repousser.
    « Ne m’en veux pas, Judas. Je n’ai jamais
promis qu’une révolution intérieure, et tu t’es obstiné à attendre autre chose.
Je n’ai jamais promis sur cette terre que des persécutions, et je suis le
premier à les subir. Nos routes ne se sont croisées qu’un moment, et tu n’as
jamais vraiment compris ce que j’ai essayé de te dire… Mais je t’ai aimé. Et je
te pardonne. »
    Judas ne savait plus que dire.
    « Comment voulais-tu que je te comprenne ?
Tu disais : “Donne tout aux pauvres”, et tu te laissais verser trois cents
deniers de nard sur les pieds ? Tu disais : “Pardonne toujours”, et
tu démolissais le bazar du Temple ? Tu disais que le salut viendrait des
Juifs, et tu maudissais des villes entières ? Tu parlais d’amour, et tu
gardais à tes côtés le tueur que je suis comme le plus cher de tes amis ? »
    Judas criait. Des sanglots de rage se
formaient dans sa gorge.
    « Judas, Judas… Mon père a voulu que je
vienne parmi vous et que je sois pleinement homme. Pouvais-je l’être sans vos
contradictions ? Je suis le premier dieu qui ait jamais douté. Parce que
je suis un homme, et un homme qui a peur, crois-le… J’ai combattu le pire des
ennemis : vous-mêmes, vos péchés, votre goût pour le mal…
    — Tu es fou… Tu es fou… Rien ne se fera
dans l’au-delà. Tout doit se faire ici, et tu as tout gâché… tout gâché…
    — Non, Judas, j’ai ouvert des portes qui
ne se refermeront plus. Tu veux la justice, je demande la charité. Tu veux le
bonheur de la masse, je demande l’accomplissement de chaque individu. Tu veux
la victoire du peuple juif contre les Romains, je veux celle de l’humanité
contre le mal. Le prix est plus cher, mais tu ne pourras pas me reprocher de ne
pas l’avoir moi-même payé au plus élevé des taux. Tu as cru que nous étions d’accord
sur tout. Tu t’es trompé. Mon idéal se situe ailleurs que sur cette terre. Oui,
je vais fonder un royaume, mais un royaume que chacun de vous créera et
irriguera par l’amour, et dont il trouvera là-haut, auprès de mon père, la
récompense. Ce royaume est encore au-delà de ton regard. Le jour où tu le
verras en face, tes souffrances terrestres t’apparaîtront bien vaines. »
    Judas sanglotait.
    « Je voudrais que tu me laisses, maintenant.
J’ai peur, et je ne peux affronter cette peur que seul. Rends-moi cet ultime
service. »
    Judas recula jusqu’au fond de la pièce. Il
tapa contre la porte de la cellule, et se retourna.
    « Je ne t’ai jamais compris, je m’en
aperçois maintenant. Mais moi aussi je t’ai aimé. »
    Jésus eut un dernier sourire, qui se
transforma vite en grimace de douleur.
    Judas était déjà parti.
    Il erra longtemps. Il
savait que tout était perdu. Sans ce feu rayonnant qu’était Jésus, que
pouvaient-ils espérer ? Bien sûr, Barabbas était libre. Bien sûr, il
obtiendrait sans doute encore quelques succès. Mais l’occasion inespérée était
passée. Jamais plus les circonstances et l’élan ne seraient ainsi réunis.
    Le sentiment de sa trahison l’envahit. Il ne
comprenait plus, maintenant que son astucieux plan avait échoué, comment il
avait pu se laisser aller à ce calcul ignominieux. Sa vie lui parut comme une
lutte hésitante, dominée
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