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Le Baiser de Judas

Le Baiser de Judas

Titel: Le Baiser de Judas
Autoren: Hubert Prolongeau
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Prologue
    Il savait qu’on ne se méfierait pas d’un
enfant. Ses onze ans frêles en imposaient peu, et il avait emmené avec lui son
jouet préféré, un petit soldat en bois sculpté par son père. Une femme avait
mentionné le puits de Rachel, un vieux trou d’eau abandonné derrière la colline,
d’où il allait souvent contempler la longue plaine verdoyante qui courait vers
le lac Houleh. Alors, sans prévenir personne, Judas était parti.
    Le soleil aurait dû pointer à l’horizon, mais
il était voilé par le nuage de fumée qui venait de Sepphoris en flammes, et ne
déversait plus sur les eaux du grand lac qu’une lueur blafarde. Deux jours durant,
le vent leur avait aussi porté les cris de ceux que l’on y massacrait.
    Il n’avait demandé à aucun de ses amis de le
suivre. Le froid de la nuit commençait à peine à se dissiper et il resserra sur
lui les pans de son petit manteau de chèvre. Un légionnaire romain croisa sa
route. Comme à chaque fois qu’il en voyait un, il ressentit un mélange de peur
et de dégoût. Mais il se força à le dépasser sans le regarder, serrant contre
lui son soldat. Il ne vit pas le regard attendri que l’homme lui jeta.
    Le bruit des marteaux le guida jusqu’au sommet
de la colline. Il atteignit un petit tertre, s’étendit derrière et regarda.
    Cela faisait comme une forêt. Là où la veille
il n’y avait que le vieux puits, des morceaux de bois plus hauts qu’un homme s’élevaient.
À l’aide d’un système de câbles, des soldats par groupes de trois les montaient.
Un quatrième, armé d’une pelle, suant, creusait un trou, et vérifiait que le
bois s’y plantait correctement, cherchant ensuite des pierres pour le
stabiliser. La terre était dure et friable et l’arbre, mal enfoncé, retombait
souvent, assommant parfois l’un des hommes. Judas n’arriva pas à compter les
troncs : une centaine au moins. Il savait qu’à Sepphoris des milliers
avaient été ainsi dressés.
    La besogne allait vite. Les Romains avaient
travaillé toute la nuit, aidés par les vieillards de la ville qu’ils avaient
épargnés.
    Au bout d’une heure, un groupe plus nombreux
arriva par la colline. Les femmes étaient en tête, muettes, formant bloc. L’enfant
eut du mal à reconnaître dans les traits durs et figés de Ciborée, sa mère, la
tendresse qu’il y lisait d’habitude. Il voulut d’abord se cacher, puis se leva
et courut vers elle.
    « Tu étais là ? »
    Elle n’ajouta rien, et cette absence de
gronderie l’étonna plus que tout.
    « Ils ont fini ? Tu as vu ton père ? »
    Il secoua la tête.
    Comme une vague, les femmes approchaient. Elles
n’étaient qu’une trentaine, mais semblaient mille par leur détermination. Dès
qu’ils les virent aborder le plateau, une dizaine de soldats romains se
précipitèrent, arme à la main, pour leur barrer le chemin. Deux d’entre elles, vêtues
de noir, se détachèrent du groupe.
    « Nous sommes venues voir mourir nos
maris. »
    L’un des légionnaires cria quelque chose en
latin. Un Juif arriva, salué par des exclamations de mépris. C’était le
traducteur. Il fit répéter les deux femmes, et s’acquitta de sa tâche envers l’officier,
qui les informa que personne ne passerait. Elles risquèrent un pas. Aussitôt, les
pilums se baissèrent.
    Sur un signe de Ciborée, toutes s’assirent. Les
Romains échangèrent quelques regards inquiets. Qu’est-ce que ces diablesses
allaient encore inventer ?
    Alors une main montra la plaine, au loin. Un
nuage de poussière signalait la venue d’une cinquantaine d’hommes, des Juifs
encore. Dès qu’ils furent là, les femmes leur firent place, et Judas eut l’impression
que sa mère se laissait soudain aller, la douleur envahissant son visage.
    Les Romains avancèrent encore d’un pas sans
que les autres reculent. Ils se firent face, blocs de haine.
    Les premiers groupes de prisonniers arrivèrent
assez rapidement. Il y eut un frémissement, puis quelques cris quand certaines
crurent apercevoir leurs époux.
    « Ne dites rien, c’est ce qu’ils
attendent », dit un homme en hébreu. Les femmes prirent sur elles, et l’on
n’entendit plus que quelques sanglots épars.
    « Maman, on va voir Papa ? demanda
Judas.
    — Je ne sais pas, mon chéri. Sûrement. Il
ne va pas nous quitter comme ça. »
    Judas avait envie de demander si son père
allait mourir, mais n’osa pas.
    Il y avait une centaine de prisonniers, et
deux fois plus
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