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Le Baiser de Judas

Le Baiser de Judas

Titel: Le Baiser de Judas
Autoren: Hubert Prolongeau
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malléable. Il fut particulièrement attentif aux efforts
maladroits du petit garçon, plus patient qu’à l’ordinaire. Judas semblait
comprendre que quelque chose de grave allait survenir. Il fut très soigneux, même
si, comme à l’habitude, ses tentatives pour reproduire les gestes de son père n’eurent
guère de succès.
    La légion vint le lendemain. Trente soldats
accompagnaient Flavius. Le Romain s’ennuyait, et les tyrans sans divertissement
sont les pires. De Rome, où il avait démarré sa carrière, il était vite monté
dans la hiérarchie grâce à sa position de fils de sénateur. Mais le jeune homme
était particulièrement dissipé : il avait cédé à tous les vices, de l’abus
de ces herbes ramenées d’Orient par les généraux amis de son père aux amitiés
très particulières qui fleurissaient de plus en plus sous l’influence grecque. Ni
sa mère, épouse très soumise, ni son père, occupé seulement à se maintenir dans
la faveur de l’empereur, ne s’étaient réellement intéressés à lui. Cette vie, qui
lui convenait parfaitement, avait duré jusqu’à ce jour dont le souvenir
provoquait encore en lui des crises de rage cruelles à son entourage. Son ami
Lucius et lui avaient ramassé dans la rue une jeune domestique qu’ils avaient emmenée
aux bains, déguisée en homme. Le subterfuge était courant, et une salle était
réservée à ces rencontres qui ne dupaient personne. La jeune fille montra une
belle ardeur, au point que Lucius fit prévenir en cachette cinq ou six de leurs
amis qui dînaient non loin de là. À leur arrivée, elle refusa de s’offrir à
tous. Lucius le prit mal. Deux de ses amis avaient tenté de la forcer. La jeune
fille avait crié. D’autres baigneurs étaient arrivés d’une pièce voisine. Une
bagarre avait éclaté au cours de laquelle la jeune fille avait été tuée. Flavius
avait pensé pouvoir étouffer l’affaire en transportant le cadavre hors de Rome et
en achetant le propriétaire des bains. Il avait joué de malchance : la
jeune fille n’était pas, comme ils l’avaient cru, une simple servante mais la
fille d’un patricien qui se travestissait en domestique pour sortir la nuit et
s’offrir à des hommes. Son père avait d’ailleurs moins été choqué par la mort
de sa fille que par le scandale qui s’était ensuivi et avait fait de lui la
risée de la curie. La sanction avait été immédiate et sans appel : Flavius
devait partir. Il se revoyait encore dans l’atrium de sa somptueuse villa, convoqué
par son père et s’entendant notifier sa décision. Encore avait-il eu plus de
chance que Lucius qui, moins protégé, était parti aux galères et devait déjà
être mort. Lui avait été nommé en Palestine. Et tout depuis avait été l’enfer :
la chaleur, l’ennui, et ce peuple absurde, entêté et obtus, misérable et fier, que
rien ne semblait devoir vraiment contraindre.
    Depuis, Flavius rongeait son frein. Ni les
quelques femmes qu’il pouvait pousser jusqu’à sa couche ni le vin de Chypre
dont il s’abreuvait n’avaient réussi à lui faire oublier les heures
interminables qu’il passait au lac Houleh. Aussi avait-il presque accueilli la
disparition de trois de ses soldats avec le contrôleur qu’ils escortaient comme
une distraction bienvenue. Le contrôleur s’appelait Zaïre. Un homme encore plus
odieux que ses compatriotes. Bien que ce fût un sentiment inconnu de lui, Flavius
se sentait parfois vaguement remué devant la dignité des gens qu’il était censé
administrer. Mais ce Zaïre… Il s’était collé à lui comme une sangsue. Bien sûr,
il était utile, autant par l’ardeur qu’il mettait à collecter les impôts que
par tout ce qu’il lui rapportait de l’état d’esprit régnant dans les villages. Fallait-il
pour autant qu’il ait aussi régulièrement à supporter ses discours mielleux, ses
tentatives lourdes et répétées de se faire accepter, voire par moments, lui
semblait-il, de se faire aimer ? Aimer… Ce Juif ! Il ricana, écrasant
entre ses doigts une des figues qu’il faisait piller dans les greniers.
    Même si elle ne l’avait guère peiné, la mort
de Zaïre ne pouvait rester impunie. Flavius avait toujours estimé que les seuls
moyens de maintenir un semblant de discipline étaient la corruption et la
terreur. Jusque-là, cela avait fonctionné. Il s’était donc préparé à aller
rendre visite aux coupables.
    Dès son entrée dans
le village, il sut que la
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