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Le Baiser de Judas

Le Baiser de Judas

Titel: Le Baiser de Judas
Autoren: Hubert Prolongeau
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face, personne ne bougea. Comme tous les
hommes présents, Simon s’était glissé dans la foule, mais avait ordonné à
Ciborée de garder les enfants à l’intérieur de la maison.
    « Dois-je comprendre que ma proposition
ne recueille guère d’intérêt ? Est-ce que je vais devoir être plus
persuasif ? Redemande-leur donc pour la dernière fois ce qu’ils ont fait
des corps et quel est le nom des coupables ? À moins bien sûr que les
malheureux ne soient toujours en vie… »
    Le traducteur reprit la parole, se heurtant au
même silence.
    « Je vois, soupira Flavius. Je ne m’attendais
d’ailleurs guère à autre chose. Je vais donc être plus persuasif. Vous autres, faites-les
mettre en rangs. »
    En quelques instants, les hommes présents
furent encerclés.
    « Fouillez-moi les maisons. »
    Le silence alors fut brisé. Si les hommes
restaient muets, les femmes et les enfants que l’on sortait de force des
édicules se mirent à crier. Flavius regardait la scène d’un air ironique.
    « Nous allons donc devoir parler un peu
plus sérieusement. Y a-t-il ici une autorité à qui je puisse m’adresser ? »
    Moische s’avança.
    « Je suis un des anciens de ce village. Je
dirige le conseil des chefs de famille.
    — C’est parfait. Alors tu vas être très
clair avec ton conseil. Connais-tu la décimation ? C’est une coutume qui
était assez répandue aux plus glorieux temps de notre armée. En cas de défaite,
pour éviter à ceux qui avaient été vaincus de ne plus mettre au combat toute l’ardeur
dont Rome était si fière, on prenait chez les survivants un homme sur dix et on
l’exécutait. C’était un peu rude, mais efficace. Rome n’en est plus à ces
robustes raffinements. Je ne sais s’il faut le déplorer, je n’ai moi-même pas
été absolument toujours conforme à cet idéal… »
    Il corrigea le mouvement de son cheval.
    « J’ai l’intention d’appliquer ici cette
coutume. Mes soldats vont choisir un habitant sur dix parmi ceux de ton village.
Tant que les assassins ne se livreront pas, ces hommes seront tués. Je ne sais
combien vous êtes, mais j’ai le temps. »
    Le traducteur répéta. Spontanément, quelques
hommes se mirent en rangs, comme pour être choisis. D’autres commencèrent à
trembler. Deux femmes se roulèrent par terre en s’arrachant des poignées de
cheveux pendant qu’une autre demandait si les enfants étaient obligés d’assister
à cela. Le Romain répondit que oui.
    Antonius dut désigner un homme pour la macabre
corvée. Comment s’opposer aux caprices de son supérieur ? Flavius gérait
ses troupes au gré de ses humeurs : c’étaient parfois des semaines d’entraînement
dur et cruel, parfois un désœuvrement total. Seulement il était un aristocrate,
et Antonius n’était qu’un plébéien. Il avait peiné dur pour arriver là où il
était. Et il devait obéir.
    Bien sûr, lui non plus n’aimait pas les Juifs.
Comment apprécier des gens aussi bornés, aussi obstinés à défendre leur dieu
unique et leurs chimères religieuses ? Cela faisait un moment que Rome
avait arrêté de croire à ces fictions, même si des cérémonies fastueuses
continuaient de les célébrer. Élevé par son père dans le respect des
convenances et la liberté de penser, Antonius ne comprenait pas ce fanatisme, sans
pour autant juger devoir lui opposer la brutalité permanente dont faisait
preuve Flavius.
    Deux ou trois des villageois tentèrent de
résister. Un coup donné avec le plat du glaive les en dissuada très vite.
    « Ma demande était claire. Qu’est-il arrivé
à mes soldats ? »
    Personne ne répondit.
    « Je n’ai pas l’intention de passer ici
la journée. Vous restez muets ? »
    Seules les femmes qui tentaient de protéger du
spectacle des enfants trop curieux troublaient le silence.
    « Commençons alors. Le compte partira de… »
    Flavius fit tourner son doigt autour de la
foule.
    « De là, tenez. »
    Il désigna un homme. Un soldat compta jusqu’à
dix. Il s’arrêta devant Joshua, l’un des habitants les plus pauvres du village.
Sa terre était trop petite, et il vivait beaucoup de ce que les autres lui
concédaient. Nulle femme n’avait voulu de lui, et personne ne le regretterait. C’est
avec une sorte de soulagement que son choix fut accueilli.
    « Toujours rien ? »
    Voir sacrifié quelqu’un qu’ils n’aimaient
guère rehaussa le courage de tous, et c’est à une détermination accrue
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