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Le Baiser de Judas

Le Baiser de Judas

Titel: Le Baiser de Judas
Autoren: Hubert Prolongeau
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pas.
    — De quoi te mêles-tu ?
    — Ce que tu fais nous nuit à tous. Tu
sais bien que nous sommes pris à la gorge. Barnabé n’est que le premier. Il
faut que tu comprennes.
    — Tu fais appel à ma pitié ? »
    Un odieux sourire envahit les traits de Zaïre.
    « Ta pitié ? Jamais je n’offrirai ce
plaisir à un pourceau de ton espèce. »
    Sous l’insulte, le collecteur se raidit.
    « Il faut pourtant bien que tu paies à
César ce que tu dois.
    — Je ne dois rien à personne qu’à Dieu. Vous
nous saignez aux quatre veines, toi et tes sbires. Tu vois bien que je n’ai
plus rien.
    — Ce n’est pas mon problème.
    — Cela va le devenir si tu t’entêtes. Pour
qui te prends-tu, Zaïre ? À quoi aspires-tu ? À pouvoir un jour t’appeler
Petrus et à enfiler l’habit grotesque et suffocant de tes gardes ? Je me
moque de l’argent. Je ne paierai pas l’impôt à César parce que tout ce qui
existe appartient à Dieu, et pas à un roi qui se prend pour Lui. La nuance t’échappe,
Zaïre ? Veux-tu être sacrilège ? »
    Zaïre tiqua. En portant le sujet sur ce
terrain, Zacharie venait de liguer le village entier contre lui. Les Juifs (il
pensait maintenant à eux comme s’il n’en était plus un) ne cessaient de tout
transformer en problème religieux, et l’on ne pouvait plus rien faire sans
paraître aussitôt insulter Dieu. Pour la première fois, il eut une vague
crainte. Mais il était trop imbu de son pouvoir pour renoncer, et se sentit
soudain exalté à l’idée de risquer pour une fois quelque chose. Les soldats, inquiets,
n’éprouvaient pas du tout le même sentiment.
    « C’est ton dernier mot ? »
    Zaïre savourait sa réplique avec une ardeur
goulue de vieux jouisseur.
    Le fruitier n’avait pas bougé. « Oui.
    — Et toi, Barnabé ? C’est toi le premier
concerné. Tu n’es pas obligé de suivre dans sa folie n’importe quel agitateur.
    — Il a raison. Tu nous livres à nos
ennemis, comme si tu ne te souvenais pas de quel sang tu es né. Cela ne peut
plus durer.
    — Tu l’auras donc voulu. »
    Zaïre fit un signe aux trois soldats.
    « Tu crois vraiment que… ? »
lui demanda l’un d’eux en latin. Ils étaient l’un comme l’autre depuis moins d’un
an en Galilée, et ne comprenaient rien encore à ce qui s’y disait.
    « Nous pourrions revenir avec du renfort ? »
    Derrière eux, le village entier s’était
regroupé. Prudentes, les mères faisaient rentrer leurs enfants.
    Zaïre se retourna vers eux. Il attendait ce
moment depuis trop longtemps.
    « Je ne crois pas, j’ordonne. Souviens-toi
que je suis mandaté par ton empereur, et que, à défaut de lui, Flavius jugera
sûrement mal tes hésitations. Saisissez ce que vous pourrez. »
    Les soldats mirent glaive au poing et s’avancèrent
vers la maison de Barnabé. Le plus jeune des trois jetait derrière lui des
regards inquiets. Avec ces fous de Juifs, à quoi ne fallait-il pas s’attendre ?
    D’un coup d’épaule, ils enfoncèrent la porte.
    Qui jeta la première pierre ? Personne n’essaya
vraiment de le savoir tant tous l’avaient voulu et approuvé. Elle heurta le
soldat romain sur le casque, et le choc lui fit lâcher son glaive. Il se
retourna, l’air effrayé, sa jeunesse d’un coup inscrite sur ses traits.
    Ce fut alors la ruée, vite la curée. Les
cuirasses s’avérèrent une bien piètre protection. Zaïre fut presque déchiqueté.
Quand son corps fut porté en triomphe, il était méconnaissable. Puis les hommes
le lâchèrent, et la folie retomba. Ils se regardèrent, paniqués. Ils surent
tout de suite qu’ils avaient mis le doigt dans un engrenage impitoyable.
    Simon était
immédiatement rentré dans son atelier avec Judas. Il n’avait pas tenté d’arrêter
la foule, sachant trop combien cela était inutile. Le soir, les hommes
portèrent les quatre corps dans le désert et les enterrèrent, les recouvrant
juste assez pour éviter que les chacals ne viennent s’en repaître. Puis ils attendirent.
    *
    *   *
    Ils attendirent
toute la journée du lendemain. Rares furent ceux qui allèrent travailler. Trois
familles entassèrent sur une charrette ce qu’elles possédaient et partirent
sans que personne essayât de les retenir. Simon emmena Judas avec lui et tenta
de lui apprendre comment terminer son vase. Il reprit ce qu’il avait fait la
veille, le modifia, lui montra comment le décorer en poussant la mollette dans
la terre encore
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