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Le Baiser de Judas

Le Baiser de Judas

Titel: Le Baiser de Judas
Autoren: Hubert Prolongeau
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n’émettait plus depuis un moment
que quelques gémissements épars. L’un des soldats fut le premier à le
comprendre, et il donna un coup de lance au flanc du mort. Le sang coula, mêlé
d’eau.
    Les corps ne furent enlevés que lorsque le
dernier condamné eut expiré. Les oiseaux avaient commencé de les attaquer, malgré
les efforts des familles pour les éloigner. Ciborée tenta de toucher une
dernière fois son époux quand on l’eut descendu, mais les soldats la
repoussèrent. Ils avaient ordre de les emmener à la fosse commune.
    Alors Judas prit le soldat qu’il portait
depuis la veille et, regardant droit dans les yeux le légionnaire de faction
que la chaleur avait à demi assoupi, il le piétina.

Première partie

CHAPITRE 1
    Du plus loin qu’il plongeât dans sa mémoire, Zaïre
n’avait pas le souvenir d’un geste affectueux. Son enfance, si l’on en excepte
les attentions occasionnelles d’une mère, qui le voyait comme un jouet
encombrant, ne lui avait offert d’autre rôle que celui de souffre-douleur. Ses
traits chafouins, le nez immense et légèrement difforme qui dévorait son visage,
son inquiétante maigreur, ses jambes trop courtes, le désignaient d’emblée à la
moquerie. Personne ne savait qui était son père et il était devenu d’usage chez
les enfants, quand ils voulaient s’insulter, de s’accuser d’être son demi-frère.
    Simon n’avait, enfant, pas été le dernier à se
moquer de son camarade. Adulte, il avait réalisé la cruauté de sa conduite et
lui avait tendu une main que Zaïre avait refusée à plusieurs reprises. Il était
trop tard. Le garçon s’était lui-même exclu de toute tendresse, de tout
attachement. Comme l’ensemble du village, Simon s’était aisément fait une
raison : il avait désormais toléré sans plus se poser de questions le
jeune paria, à qui sa solitude faisait remâcher à longueur de temps des désirs
de vengeance.
    Son heure était venue avec l’installation d’une
garnison près du lac Houleh, quand les émeutes consécutives à la mort du
tétrarque Hérode, en l’an 747 de l’ère romaine, avaient poussé l’occupant à
durcir sa présence. On l’avait vu aussitôt traîner près des baraquements, courtiser
les soldats, tenter de bredouiller quelques mots dans un latin sommaire. Pour
la première fois, il s’était mis à travailler. À la forge de Chorazim, il avait
appris à ferrer les chevaux, puis avait proposé ses services au commandant de
la place, Flavius Gordianus.
    Son comportement avait d’emblée choqué le
village, qui parut redécouvrir qu’il existait. Ses poules avaient été tuées, des
excréments déversés devant sa porte. Il n’avait rien dit, rien fait. En six
mois, il était devenu plus étranger encore, n’adressant la parole à personne. Puis
un matin, il était arrivé sur un cheval, entouré de trois soldats à l’uniforme
brillant, couverts du plumeau rouge, l’arme au côté. Ce jour-là avait été le
plus grand de sa vie. Et, pour tous ceux du village, le premier de l’occupation.
    Il se présenta comme le nouveau contrôleur des
impôts de la région qui s’étendait du lac à Bethsaïde. Comme par un coup du
sort, une tache de vin apparut presque à la même époque sur son visage, et il
devint aux yeux de tous le « marqué ».
    Zaïre était chargé de collecter les impôts. Il
s’acquitta de son devoir avec une ardeur exemplaire, ne laissant pas passer un
sou, n’oubliant pas une taxe. Elles plurent soudain, Rome manquant de
ressources et ses fonctionnaires ayant compris que leur seule chance de s’enrichir
dans cet enfer brûlant qu’était la Palestine était de prélever leur tribut au
passage. Flavius était de ceux-là, et il couvrit tous les excès de Zaïre. Pendant
huit ans, chaque printemps alourdit les tributs dus l’année précédente.
    Cette année-là, sous le règne honni du fils d’Hérode,
Hérode Antipas, pour la troisième fois consécutive les récoltes avaient été
mauvaises. Dieu n’avait ni écouté les prières ni tenu compte des sacrifices que
plusieurs villageois, malgré la distance, étaient allés faire au Temple, à Jérusalem.
La terre, verdoyante en Galilée, avait pris par endroits la teinte grisâtre et
sèche des déserts de Judée. Dans certaines familles, on commençait à manger le
grain, au risque de ne plus rien avoir à semer l’année suivante même si la
pluie revenait.
    Zaïre jouait sur cette détresse avec
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