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L'année du volcan

L'année du volcan

Titel: L'année du volcan
Autoren: Jean-François Parot
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nuages, ils s’empreindront de ces exhalations qui disparaîtront avec eux. J’ai l’honneur, etc.
     
    Écuries de l’Hôtel de Trabard, nuit du dimanche 13 au lundi 14 juillet 1783
    L’étalon pointa ses oreilles. Dormait-il vraiment ? Quels rêves agaçants agitaient de frissons sa robe alezane ? De quels tourments le souvenir troublait ainsi son repos ? Il parut s’éveiller, s’ébroua, souffla puissamment, ses naseaux s’élargirent, il tendit le col comme si l’odeur chaude de l’écurie venait d’être infectée par autre chose. D’évidence cela inquiétait le cheval ; il se mit à broncher, une sorte de râle profond qui s’acheva par un hennissement strident. Chassait-il des images qui s’imposaient à lui ? Il se mit à piétiner sa litière, soulevant une fine poussière que la faible lueur de la lune à son plein développait comme un voile. Ce foudroiement l’irrita ; du sabot il grattait la terre battue. Un rat, énorme, fila entre ses jambes, suscitant un écart violent. La croupe heurta la mangeoire. Ce mouvement et le bruit qu’il engendra l’affolèrent ; il commença à tourner sur lui-même au milieu d’une levée de paille puis rua dans les planches. À ce moment la traverse qui bloquait la porte du box fut soulevée. Que distinguait-il de la masse sombre dont la silhouette élargie se découpait ? De nouveau, il hennit, allongea la tête vers cette forme qui s’agitait près de lui, les naseaux ouverts. Ce qu’il sentit rappelait la douceur d’une caresse, mais autre chose s’imposa tout proche avec le souvenir des coups, d’une voix mauvaise, des morsures de la cravache et des éperons. La bouche trembla au souvenir d’une main brutale. Au même instant un éclair l’aveugla, un bruit terrible l’affola. Saisi de fureur, il se cabra et ses sabots s’abattirent sur une masse molle qui venait de s’effondrer sur le sol. À plusieurs reprises il la frappa, la piétinaavec fureur. Une odeur âcre se mêla à celle de la litière bouleversée. Le cheval finit par se retirer dans un angle, tête baissée, haletant, fourbu et couvert d’une mauvaise sueur. Peu après, son agitation reprit.
    Intrigué par le bruit, le valet d’écurie, qui faisait sa ronde habituelle, découvrit le corps sanglant de son maître, le vicomte de Trabard.

I
    BUCÉPHALE
    « Le naturel de ces animaux n’est point féroce, ils sont seulement fiers et sauvages. »
    Buffon
    Lundi 14 juillet 1783
    Le lieutenant général de police n’avait pas dissimulé sa surprise. Non que Nicolas Le Floch fût appelé à Versailles, cela participait des habitudes, mais la manière bousculée était inattendue. Avant l’aube, M. de Salvert, écuyer cavalcadour de la reine, était venu à franc étrier pour vociférer que le commissaire Le Floch – parlait-on ainsi à la cour du marquis de Ranreuil ? – eût à gagner Trianon sans désemparer. La reine l’attendait pour affaire le concernant . Tout cela sortait par trop de l’ordinaire pour ne pas sidérer le bon Le Noir. L’émissaireavait tant insisté sur l’urgence que le magistrat, agacé, lui avait sèchement signifié qu’il n’était pas sourd.
    Rabouine, dépêché rue Montmartre pour quérir Nicolas, le trouva, en ce début de matinée, s’apprêtant avant de gagner le Grand Châtelet. Et maintenant le commissaire galopait par un beau soleil sur le chemin sablé menant à Versailles, sans état d’âme et à l’unisson de l’allégresse de Sémillante, ravie de cette promenade imprévue. Il respirait profondément l’air tiède qui lui fouettait le visage.
     
    Cette égalité d’humeur se forlongeait depuis son séjour à Ranreuil. La Bretagne et le libre océan l’avaient lavé des vilenies dont l’avait accablé l’enquête à l’ambassade de Russie. Le temps lui avait été offert de réfléchir et de se hausser au-dessus des conjonctures. Il y avait gagné cette humeur apaisée que rien désormais, du moins le croyait-il, ne devait venir troubler. Parfois une emprise de nostalgie le poignait ; il imaginait la carrière des armes qu’il aurait suivie si les choses avaient été différentes. Il était heureux que Louis marchât dans les traces de ses ancêtres. Quant à lui, il servait le roi là où le destin l’avait placé. Cet éloignement volontaire sur ses terres lui avait remis les idées en ordre. Il s’était pénétré de l’insignifiance des complots et des trahisons de cour. Il saurait les
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