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L'année du volcan

L'année du volcan

Titel: L'année du volcan
Autoren: Jean-François Parot
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affaire du Val d’Enfer.
    — Sinistre est bien le mot, répondit Nicolas songeur. Son dénouement est à la mesure du crime commis. Présentés au lieutenant criminel, les prévenus n’ont cessé de reporter les uns sur les autres la responsabilité du meurtre.
    — Malaisé dans ce cas de mesurer le degré de culpabilité de chacun d’eux !
    — Ce fut le sentiment des juges. Je ne sais si Decroix échappera à la potence. Dans le meilleur des cas, il ira pourrir au bagne de Brest.
    — Et la vicomtesse de Trabard ?
    — Réputée, à tort ou à raison, démente, elle sera enfermée au fond d’un couvent de province. Et quant à sa femme de chambre, au grand scandale de notre Bourdeau, elle sera jetée à Bicêtre. N’est pas noble qui veut !
    — Ce Moloch-là ne pourra que la broyer et la détruire. Et la reine ?
    — Je lui devais faire rapport, mais les circonstances et, sans doute, les suites de mon séjour à Londres… bref, je n’ai pas eu d’audience.
    — Les Polignac n’y sont pas pour rien, j’imagine ?
    — Et autre chose aussi qu’elle n’aurait pas aimé me voir lui révéler. Un certain cavalier trop matinal… Gast ! Ses bouderies ne durent jamais très longtemps, aussi n’en ai-je cure.
    — Connaissez-vous le nouveau contrôleur des finances ?
    — M. de Calonne ? Point du tout. Vous qui êtes féru de ces matières, quelle est la raison du départ de M. d’Ormesson qui m’était apparu un parfait honnête homme ?
    — Trop, mon cher Nicolas, trop au gré de la reine et des Polignac. Le déficit et les mesures qu’il a prises pour y parer ne pouvaient que le détruire. Le Trésor à sec, il a voulu solliciter un emprunt auprès de la Caisse d’escompte. Panique immédiate dès que la rumeur en a couru. Les déposants et, en particulier, ceux de l’étranger, se sont rués pour retirer leurs fonds. D’où ont suivi, catastrophe inévitable,le cours forcé des billets et l’interdiction de l’exportation des métaux précieux. Là, c’en était fait de lui. Il suffisait pour le comprendre d’écouter la mode : les jolies femmes se mirent à porter des chapeaux sans fond appelés à la Caisse d’escompte . Sonnez trompettes, voici Calonne !
    Leur voiture venait de franchir le cordon de sécurité formé par des gardes françaises qui empêchaient la foule d’approcher la terrasse où se tenaient le dauphin, sa gouvernante et leur suite. Alors qu’il aidait Noblecourt à descendre, Nicolas jeta un œil sur la foule maintenue à bonne distance des privilégiés pourvus de billets d’invitation. Elle lui parut sombre et mêlée. Il est vrai que le froid avait contraint chacun à sortir très tôt les vêtements d’hiver. De sourds grondements l’agitaient. Il y avait là des habitants des banlieues, des paysans des alentours, des jardiniers, des bourgeois de Paris qui avaient franchi la demi-lieue pour l’occasion, poussés par la curiosité, mais aussi de ces gagne-deniers sans travail montés de leur province. Tout l’été, les précédentes démonstrations n’avaient cessé d’exalter les esprits. De ces ascensions, celle-ci était la première qui emporterait dans les cieux des courageux prêts à en braver les risques. Il remarqua, çà et là, quelques mines patibulaires qui ne s’associaient pas aux vivats qui, par intervalles, acclamaient le petit prince, espoir de la nation.
     
    À l’heure dite, le marquis d’Arlandes et M. Pilâtre de Rozier prirent place dans une sorte de cage d’osier qui entourait la base de l’aérostat. On les vit jeter des brandons de paille dans le réchaud établi au centre de la machine afin d’augmenter la quantité d’air chaud. Les amarres furent coupées et leglobe s’éleva avec majesté au-dessus du château. Une clameur énorme éclata devant un spectacle si rare et si nouveau. L’enthousiasme indescriptible porta l’émotion à son comble au point que plusieurs dames de la cour se trouvèrent mal lorsque la machine dépassa le coteau, plana sur toute la profondeur du vallon, sembla s’arrêter, puis s’éleva à nouveau, voguant vers Paris pour, enfin, disparaître complètement.
    M. de Noblecourt, enthousiaste, avait mis sa perruque au bout de sa canne et prenait La Borde à témoin pour affirmer que tout serait désormais bousculé par cette révolution qui voyait l’homme, à l’égal de l’oiseau, quitter le sol et voler. On pouvait tout espérer du progrès et des lumières de la
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