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L'année du volcan

L'année du volcan

Titel: L'année du volcan
Autoren: Jean-François Parot
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subalternes dûment écartés. Certes la nouvelle avait filtré à la cour et à la ville, mais le roi évidemment informé avait feint d’ignorer ce petit drame.
     
    Nicolas réfléchissait sur ses relations avec la reine. L’épisode avait resserré la connivence qui s’était de longue main établie entre la souveraine et le cavalier de Compiègne , avec, de la part du sujet, une déférence obligée. En dépit de quelques nuages passagers, rien n’était venu troubler cet état de choses. La position à la cour du marquis de Ranreuil, surtout à Trianon où il avait ses entrées, n’était pas passée inaperçue de la coterie de la reine. Cette énigmatique figure effrayait, on le savait écouté du roi, proche de M. de Vergennes et, murmurait-on, âme damnée de M. de Sartine. Le caractère mal défini de ses fonctions de commissaire suscitait mille rumeurs. Il ne laissait pas d’inquiéter sinon d’irriter des entours jaloux. Autour de la comtesse Jules de Polignac, douce et fidèle amie de la reine, s’agrégeaient, faisant fonds et boutique de son influence, tous ceux qui estimaient que l’accès à Trianon les mènerait à la fortune, aux places, aux honneurs et au pouvoir avec tout ce qu’il autorise.
     
    Il semblait pourtant à Nicolas que la reine prît de plus en plus conscience, et avec tristesse, que les personnes royales n’ont pas d’amis. Pour elle – était-ce l’influence de ses maternités et du surcroît de sérieux qu’elles engendraient ? – les faux-semblants tombaient et ses yeux se décillaient. Restait que l’intrigue et son cortège de masques ricanants avaient planté leurs tentes sur les pelouses de Trianon. L’écho souterrain de couplets affreux et calomnieux, sans cesse renouvelés, accompagnait cette douloureuse découverte. Quelle injustice ! songeait Nicolas. Certes, elle aimait la parure, les frivolités, les spectacles, les bijoux, mais la dépense était-elle un crime pour un souverain ? Certes, elle était prodigue en grâces à des gens indignes. Certes, elle avait le tort d’avoir un penchant certain pour la plaisanterie, allant jusqu’à la moquerie. Son entourage, connaissant sa faiblesse, cherchait à la divertir aux dépens des autres. Elle continuait à moquer la mauvaise tournure ou les gaucheries d’hommes et de femmes qu’elle aurait dû respecter, là où la naissance l’avait placée. Mais selon une remarque amère de La Borde, se conduisant en sultane, elle veut faire oublier qu’elle est reine . Les manifestations hostiles n’avaient de cesse. Une nouvelle tragédie, Don Carlos , avait donné prétexte à l’expression de ce désengouement. L’endroit de l’ouvrage le plus applaudi était celui où le roi donnait le conseil à la reine de s’occuper de plaire et de lui laisser le soin de régner .
     
    Placé là où il se trouvait, Nicolas entendait bien des propos. Ceux qui n’avaient pas accès à Trianon ne pouvaient qu’envier les privilégiés de la reine. Les grâces inégalement dispensées ne servaient qu’à multiplier les rancœurs. On n’allait pas à Trianon,on n’allait plus à Versailles. La cour, longtemps astre immuable autour duquel tout depuis Louis XIV devait graviter, n’existait plus et sa disparition conduisait à l’irrespect. L’autorité royale se délitait dans ce lent naufrage. Le roi, par son goût de la simplicité et de la vie privée, favorisait encore cette dérive fatale. Jusqu’aux façades parisiennes qui participaient de la calomnie répandue. Le lieutenant de police recevait rapports sur rapports concernant les majuscules qu’on lisait sur nombre de maisons, MACL , c’est-à-dire «  maisons assurées contre l’incendie  » et que le peuple interprétait ainsi : «  Marie-Antoinette cocufie Louis . » Les naissances successives n’avaient fait qu’exacerber cette licence à laquelle s’ajoutèrent bientôt deux vers répétés à l’envi :
    Les cornes ne sont pas ce qu’un vain peuple pense
    Ils furent tous cornards tous ces beaux rois de France .
    À Versailles, Nicolas gagna le château de Trianon par le parc. Il jeta les rênes de sa monture à un valet, se présenta à la porte du palais où un garçon bleu, après s’être enquis de son identité, lui indiqua que la reine l’attendait et avait donné des ordres qu’on le conduisît au Belvédère où, par cette belle matinée, elle prenait son déjeuner. Sur une petite colline se dressait cette construction
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