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L'année du volcan

L'année du volcan

Titel: L'année du volcan
Autoren: Jean-François Parot
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affronter avec plus de sérénité. Il avait même pardonné à M. de Sartine ses dernières manigances.
     
    Pendant deux mois, il s’était attaché à reprendre en mains l’administration de ses biens que Guillard, son intendant, gérait avec sagesse, mais sans imagination. Il avait renoué avec la société locale,acceptant les invitations mais recevant aussi, quand le temps le permettait, sur de grands tréteaux installés dans la cour du château. Soupers, chasses, beuveries et longues promenades sur les grèves s’étaient succédé. Il avait même dû déjouer les menées obstinées de quelques douairières attachées à lui trouver une épouse. Il fit aussi des découvertes. Et d’abord le constat du fossé qui s’élargissait entre cette noblesse campagnarde et celle de la cour. À Versailles, il n’avait guère prêté attention aux sarcasmes et aux brocards accablant ceux qui avaient le mauvais goût de s’enterrer dans les provinces. Nicolas mesura l’injustice de ces propos. Nombre de ses voisins ne menaient que par pis-aller cette existence étriquée. Jeunes, la plupart avaient apporté au roi le secours de leur épée avant de se retirer sur leurs terres, souvent aigris par le refus d’une promotion ou d’une distinction, justes récompenses des blessures et des veilles sur les champs de bataille. Ensuite il fallait nourrir des familles souvent nombreuses, établir après études les fils promis à l’armée ou à la tonsure, marier les filles ou les envoyer au couvent. Enfin, il y avait peu de fermiers en Bretagne et il fallait pourvoir aux dépenses de culture. Après tout, le marquis de Ranreuil, son père, n’avait pas agi autrement et lui-même n’était-il pas souvent tenté par l’idée de l’évasion et de la solitude au milieu des marais de ses terres ?
    Autre chose le frappa. Le mode de vie de ces pauvres sires n’était guère éloigné de celui des paysans et, même, certains d’entre eux déposaient leur épée au bord du champ pour prêter la main à la charrue . Cette existence étriquée et l’amertume qu’elle suscitait pouvaient conduire à des attitudes des plus cruelles. Une poignée, rapace et vicieuse, se vengeaitsur des paysans, congéables et corvéables à merci, de la médiocrité de leur vie. Et pourtant beaucoup, comme jadis son père, avaient souci constant de leurs gens, et demeuraient à tout coup bienfaisants, secourables et paternels. Mesurant et comparant, Nicolas Le Floch, marquis de Ranreuil, se trouva convaincu que, loin des faux prestiges de la cour, le vrai tissu honorable de la noblesse résidait dans les provinces avec comme valeur l’amour de la terre, le service des plus pauvres et la fidélité au roi. Un doute le saisit et il imagina l’inspecteur Bourdeau le sommant d’abandonner ses illusions et de porter plutôt ses regards sur la misère du peuple.
     
    Que lui voulait donc la reine par cette convocation incongrue ? Était-ce l’affaire de Madame Élisabeth qui resurgissait ? Au printemps, sa maîtresse Aimée d’Arranet s’était affolée d’un aveu reçu sans l’avoir cherché. Ouverte et confiante envers ses dames d’honneur, la sœur du roi avait avoué à Aimée son admiration pour sa tante, Madame Louise de France, carmélite à Saint-Denis. À son exemple, Élisabeth souhaitait entrer en religion, mais le roi s’y opposait, arguant qu’à dix-neuf ans elle était trop jeune. À vingt-cinq ans révolus, et si sa vocation se maintenait, on envisagerait la chose mais on en délibérerait avant d’y consentir.
    Aimée avait aussi découvert que la vicomtesse d’Aumale, ancienne sous-gouvernante de la princesse, servait de truchement pour le courrier entre la tante et la nièce. Elle apprit ainsi que Madame Élisabeth prévoyait de s’évader furtivement de la cour. Ne pouvant elle-même dénoncer ce projet, Aimée s’en était remise à Nicolas pour le faire. Celui-ci après avoir pris conseil d’un Le Noir embarrassé, avaitdécidé de s’en ouvrir à la reine, présumée moins brutale que le roi dans ses réactions. Il avait eu raison de compter sur sa délicatesse ; Marie-Antoinette avait résolu cette affaire en douceur. Elle avait habilement convié sa belle-sœur au Trianon et l’avait conduite à l’ouverture de la Comédie italienne jusqu’à la rupture de la chaîne de cette pieuse intrigue par l’éloignement de ses agents coupables. Mme d’Aumale avait été exilée et quelques complices
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