Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La Volte Des Vertugadins

La Volte Des Vertugadins

Titel: La Volte Des Vertugadins
Autoren: Robert Merle
Vom Netzwerk:
père, il devint son
secrétaire, partagea sa vie et ses périls, combattit à ses côtés à Ivry, fut
anobli par le Roi. À quarante-neuf ans, il était toujours si avide de savoir
qu’il accepta avec joie de gouverner mes précepteurs et d’assister à mes
leçons, sans doute dans l’espérance secrète d’en tirer lui-même parti.
    La Surie avait, ce qui m’étonnait fort en mes enfances, les
yeux vairons, l’un bleu, l’autre marron, le premier plutôt froid, le second
chaleureux, ce qui reflétait bien le mélange de prudence et de passion qui
composait son caractère. De son physique, il était mince et même plutôt fluet,
mais souple et bien trempé comme une bonne lame. Mon père écoutait ses conseils
et souffrait même ses reproches, tant il le savait avisé, car il s’y
connaissait fort bien en hommes et aussi en femmes, bien que dans ce domaine, à
la différence de mon père, il n’avançât jamais que d’une patte prudente,
l’autre déjà sur le recul.
    C’est lui qui choisit mes précepteurs et il les choisit
bien. Monsieur Philipponeau m’enseigna le latin, le français et l’histoire.
C’était un jésuite que sa Compagnie avait placé comme confesseur auprès d’une
riche veuve dont il guignait l’héritage. La veuve trouva les confessions de
notre homme si suaves qu’elle s’éprit de lui. Il s’éprit d’elle. Ils mêlèrent
leurs vies et, devant notaire, se donnèrent l’un à l’autre tous leurs biens
périssables. Façon de dire, car pour sa part Monsieur Philipponeau ne possédait
que sa robe, et pour peu de temps, car la Compagnie de Jésus, furieuse de sa
trahison, la lui ôta et, défroqué, il eût couru le danger de passer le reste de
ses jours dans une prison ecclésiastique, si l’évêque de Paris n’avait étendu
sur lui sa protection.
    Ce n’est pas que Monsieur de Paris aimât tant sa personne,
mais il détestait les jésuites qui prétendaient se situer en dehors de sa
juridiction et ne dépendre que de leur Général. Il fut enchanté de relever le
malheureux de ses vœux et de le marier. Voilà notre Philipponeau le plus
heureux des hommes, et qui le fut davantage encore, quand, à la suite de la
tentative de meurtre de Châtel sur la personne du Roi, le Parlement y
soupçonnant la main des jésuites, les bannit du royaume.
    Philipponeau était un homme de taille moyenne, très maigre,
et qui n’avait rien de remarquable sauf les yeux, lesquels étaient immenses,
noirs de jais, très fournis en cils et en sourcils, et pleins d’un feu qui
n’était pas que spirituel, à en juger par la façon dont il lorgnait nos
chambrières. Toutefois, il était fort savant et, dans son enseignement, comme
autrefois dans ses confessions, il montrait tant de douceur qu’on se sentait
comme tenu d’y répondre en se donnant peine.
    Monsieur Martial, artificier dans les armées du Roi, et qui
les avait quittées parce qu’une balle au siège d’Amiens l’avait cloué sur son
canon, m’enseignait la mathématique. Moustachu, sourcilleux, hérissé, rude de
poil et d’âme, il m’eût volontiers fouetté à la moindre peccadille, si mon père
y avait consenti. De reste, il connaissait bien son affaire et n’avait qu’un
défaut : ayant composé un savant traité sur les fortifications, il avait
tendance à digresser sur les vues, les flanquements, les sapes et contre-sapes, au lieu de s’en tenir à ses chiffres. Toutefois, ses
digressions ne laissèrent pas plus tard, de m’être fort utiles.
    J’ai gardé pour la bonne bouche Mademoiselle de
Saint-Hubert, qui m’apprenait l’anglais et l’italien. Sa mère était Anglaise et
avait épousé un gentilhomme français de bon lieu, mais de pauvre bourse, qui
avait servi de secrétaire à Monsieur le cardinal d’Ossat, dans le temps où
celui-ci était encore petit abbé et négociait secrètement à Rome la levée de
l’excommunication d’Henri IV. L’affaire avait traîné des années, pendant
lesquelles Madame de Saint-Hubert et sa fille – sa fille surtout, qui
était alors jeunette – apprirent parfaitement l’italien.
    Geneviève de Saint-Hubert était une grandette mignote brune,
l’œil pensif, le cou flexible, la taille gracieuse. Garçon, elle eût donné son
noble nom à une pucelle de bourgeoisie bien garnie en pécunes. Fille, il n’y
fallait pas songer. Même un couvent eût requis d’elle une dot et son père,
vivotant de rentes minuscules, lui assurait le pot, le feu et le
Vom Netzwerk:

Weitere Kostenlose Bücher