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La Volte Des Vertugadins

La Volte Des Vertugadins

Titel: La Volte Des Vertugadins
Autoren: Robert Merle
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l’expérience de Monsieur
Martial, allait s’y prendre pour amener ma victoire, quand, par la porte
entrebâillée, j’entendis Madame de Guise, dans la grand’salle, parler de moi et
de Frédérique en termes véhéments. Je m’en trouvai fort inquiet et je remis à
plus tard l’assaut imminent de mes cavaliers.
    — Monsieur, disait-elle, vous ne devriez pas plus
longtemps laisser Frédérique dormir dans la chambre de Pierre.
    — Qu’est cela ? dit mon père d’une voix
mécontente. Quel mal y voyez-vous ?
    — Mais voyons, elle le pince !
    — C’est qu’elle est jalouse. Et qui ne l’est ?
J’ai moi-même connu une haute et puissante dame qui, me croyant infidèle, me
lança à la tête je ne sais combien de petits pots d’onguents et de crèmes que
je parai de mon mieux avec une escabelle. Faut-il, ajouta-t-il en riant, que je
vous en fasse ressouvenir ?
    — Monsieur, je parle sérieusement.
    — Et je vous réponds de même.
    — Pourquoi votre fils doit-il tant pâtir du fait de
cette sotte caillette ?
    — Il s’instruit à son contact.
    — Belle instruction ! Elle le pince !
    — Et il la bat ! Ainsi a-t-il compris, Madame,
qu’on ne doit pas tout souffrir de votre aimable sexe. Et il se peut que cette
connaissance, plus tard, lui évitera de trop pâtir.
    — Mais un garçon et une fille dans le même lit !
Voilà qui est bien honnête ! Fi donc !
    — Il n’est pas d’exemple qu’un garçon ait fait un
enfant à six ans.
    — Je ne vous parle pas d’enfant ! Mais de la simple
honnêteté.
    — Je ne vois pas qui la blesse. J’ai eu moi-même à son
âge une petite compagne de jeux. Je l’aimais de grande amour. À Dieu ne plaise
que je prive Pierre de la sienne. Après tout, Frédérique est sa sœur de lait.
Je me tiendrais pour très mal avisé, pour ne pas dire inhumain, Madame, si
j’attentais de défaire un lien si fort.
    — Allez, allez, Monsieur ! À le laisser commencer
si jeune, vous ferez de votre fils un grand ribaud !
    — Madame, dit mon père avec une colère contenue,
ajoutez, de grâce : « comme son père », et vous aurez tout
dit !
    — Monsieur ! dit tout d’un coup Madame de Guise,
avec une petite voix pleine de larmes, ne me parlez pas avec les grosses
dents ! Je ne saurais le supporter !
    Après cela, il y eut un si long silence que, la curiosité me
poussant, je rampai sur mes genoux jusqu’à la porte de la grand’salle et y
jetai un œil. Mon père qui me tournait le dos, serrait Madame de Guise dans ses
bras. J’en augurai que Frédérique allait demeurer dans ma chambre, ce en quoi
je voyais juste ; et aussi que la querelle était close, ce en quoi je me
trompais, car je n’avais pas plutôt regagné à croupetons le champ de bataille,
où mes chevaux piaffaient d’impatience d’en découdre, que les hostilités
reprirent entre mon père et ma marraine.
    — Il n’empêche, dit celle-ci, que votre fils est un peu
trop adoré par ses nourrices…
    — Cela était vrai, Madame. Cela l’est moins, depuis que
je lui ai donné des précepteurs.
    — Des précepteurs. Et une préceptrice.
    — À celle-là trouvez-vous quelque chose à redire ?
    — J’ai ouï raconter que tandis qu’elle jouait du
clavecin, Pierre lui avait baisé le bras.
    — À son âge, j’en eusse fait tout autant.
    — C’est donc que vous trouvez la pécore à votre
goût !
    — Ne l’est-elle pas au vôtre ?
    — Vous me comprenez ! dit ma marraine d’une voix
irritée.
    — Non, Madame, dit mon père parlant haut et clair, je
ne vous entends pas. Mademoiselle de Saint-Hubert a dix-huit ans, j’ai passé
cinquante ans. Quelle apparence y a-t-il qu’un barbon…
    — Un fort verdoyant barbon…
    — M’amie, je vous sais gré de cet hommage.
    — Ne riez pas. Monsieur ! N’ai-je pas vu, de ces
yeux vu, que lorsque la donzelle entre dans une pièce où vous êtes, elle ne
regarde que vous.
    — Madame, il faudrait choisir. Suis-je le tenté ou le
tentateur ?
    — Vous êtes les deux.
    — Je ne suis ni l’un ni l’autre. Vais-je détourner de
ses devoirs une fille de bon lieu dont j’estime le père, l’ayant si bien connu
à Rome quand il était dans l’emploi du cardinal d’Ossat.
    — À Rome, Monsieur, où au vu et au su de tous, vous
coqueliquiez avec la Pasticciera ! Le beau gâteau que c’était
là ! Et que vous n’aviez pas vergogne à partager avec une demi-douzaine
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