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La Volte Des Vertugadins

La Volte Des Vertugadins

Titel: La Volte Des Vertugadins
Autoren: Robert Merle
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belles fê tures.
Et moi, ce qui me chagrine, c’est que la Tu chesse ne nous fi site
jamais qu’en un coche de louage avec de maigres chevaux, au lieu de fen ir
céans en sa pel le carrosse dorée et ses laquais en livrée. Ce qui nous
ferait grand honneur dans notre rue du Champ Fleuri !
    — Oui-da, mais qui ferait jaser à la longue !
    — Jaser ? dit Greta, et pourquoi jaser ?
    — Il y a matière, dit Mariette, vu qu’on dirait qu’elle
aime un peu trop celui-là.
    Ayant dit, Mariette porta son fer à sa joue pour voir s’il
était chaud. Greta, de son côté, laissa son aiguille en repos et toutes deux, à
l’unisson, me considérèrent en silence, me baignant dans la lumière de leurs
tendres yeux.
     
    *
    * *
     
    Quand j’eus passé cinq ans, mon père estima que le moment
était venu de me soustraire, sinon tout à fait aux bons soins de mes nourrices,
du moins à leur excessive idolâtrie et de me donner des précepteurs qui pussent
me nourrir aux Lettres et me former l’esprit.
    Du fait de ses missions dans les provinces et à l’étranger
sous Henri III et Henri IV, mon père avait dû s’absenter souvent de
sa Seigneurie du Chêne Rogneux à Grosrouvre et, par voie de conséquence,
abandonner à son épouse, Angelina de Montcalm, le devoir d’instruire mes frères
et mes sœurs. Elle s’était assez mal acquittée de cette tâche, n’ayant
elle-même pas plus de goût aux choses de l’esprit que la noble et ancienne
famille dont elle était issue.
    Cette indifférence allait tout au rebours de la tradition
huguenote de ma branche paternelle qui, hissée jusqu’à la noblesse dans les
armées du Roi par sa vaillance, et enrichie par ses entreprises, avait gardé de
la bourgeoisie dont elle venait une tradition laborieuse. Mon grand-père, Jean
de Siorac, Baron de Mespech en Périgord – qui le jour de mes cinq ans
entrait gaillardement dans sa quatre-vingt-sixième année –, était un homme
fort instruit, licencié en médecine de l’École de Montpellier, et plus tard
fort entendu au ménage des champs, s’étant diligemment inspiré des idées
nouvelles d’Olivier de Serres dans son Théâtre d’agriculture. Mon père,
docteur médecin, avait d’abord servi en cette capacité le roi Henri III
avant de devenir un des agents de sa diplomatie secrète. Ses voyages, ses longs
séjours en des pays lointains, ses aventures, les périls encontrés, avaient
contribué à former son esprit et s’il est vrai qu’au passage il eut cueilli
maintes fleurettes, l’amour ne lui avait jamais fait oublier le souci de son
instruction. Bien au contraire ; c’est sur les lèvres de ses belles, Lady
Markby, Dona Clara et la Pasticciera, qu’il avait appris les langues des
royaumes voisins.
    Je me dois encore de mentionner ici mon oncle bien-aimé,
Samson de Siorac, qui apprit les secrets de l’apothicairerie en l’École de
Médecine de Montpellier et avait ouvert boutique à Montfort-l’Amaury, encore
qu’il ait dû acheter son fonds par le truchement de son épouse, pour ne pas
être déchu de sa noblesse, les seules entreprises permises aux nobles se
trouvant, en effet, restreintes au soufflage du verre et au commerce par mer,
celui-ci à condition – condition plaisante ! – qu’il ne se fit pas
au détail.
    J’ai souvent entendu mon père s’élever avec force contre la
stupidité de la coutume qui voulait que les nobles fussent impropres à tout,
sauf à la chasse et à la guerre, plongés qu’ils demeuraient, leur vie durant,
dans une ignorance si crasse que bon nombre ne savaient ni lire ni écrire et à
peine même signer leur nom. Ils se condamnaient par là, disait mon père, à ne
pouvoir jamais remplir les hautes charges de l’État, desquelles la bourgeoisie
instruite tout naturellement héritait, ainsi que des ressources croissantes de
l’industrie, du négoce et de la finance. « Certes, ajoutait-il (ce “ certes”
sentait son huguenot), on trouve à la cour quelques nobles très
instruits : Bassompierre, Bellegarde, Sully, pour ne citer que mes amis.
    Mais si on voulait en faire un exact dénombrement, je gage
qu’on aurait du mal à en trouver plus de trois douzaines ! »
    Le grand ami et intime compagnon de mon père. Monsieur le
Chevalier de La Surie, présida à mes études. « Né de personne et sorti de
rien », selon la définition plaisante qu’il donnait de lui-même, il
s’était appris seul le latin. D’abord serviteur de mon
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