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La Volte Des Vertugadins

La Volte Des Vertugadins

Titel: La Volte Des Vertugadins
Autoren: Robert Merle
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logis, et rien
de plus.
    Elle avait dix-huit ans, quand elle apparut dans notre logis
de la rue du Champ Fleuri, l’illuminant de sa fraîche beauté. J’en avais cinq
et à sa vue je tombai d’elle éperdument amoureux. « Éperdument » est
bien le mot qui convient, quoi que le lecteur puisse en penser. Frédérique, ma
sœur de lait, qui avait obtenu par ses pleurs d’être présente à mes leçons, et
bientôt, tant son esprit était vif, d’y prendre part, fut la première à s’en
apercevoir et en conçut un furieux ressentiment.
    Nous dormions en deux lits jumeaux dans un petit cabinet et
bien plus souvent dans les bras l’un de l’autre que séparément. Il semblerait
que d’avoir tété le même lait au même généreux tétin eût quasiment fait de nous
des jumeaux. Geneviève de Saint-Hubert fut l’occasion de notre première
querelle. Car devinant les sentiments passionnés où la demoiselle m’avait jeté,
pendant huit jours, dès que je m’endormais, Frédérique me pinçait au sang pour
me tenir éveillé. Quand je me réfugiais dans mon propre lit, elle m’y suivait
pour poursuivre sa cruelle persécution.
    Greta finit par découvrir, en me baignant, les bleus dont
j’étais couvert. Frédérique avoua tout, fut fouettée, se repentit, promit de
s’amender. Huit jours plus tard, elle recommença, mais cette fois, bien convaincu
qu’elle faisait mal – ce dont je n’étais pas sûr avant qu’elle fût
punie – je la battis. Et comme elle pleurait, je fus pris de compassion et
m’étendant sur elle de tout mon long, je piquai de poutounes ses joues
meurtries. Au bout d’un moment, elle me serra dans ses bras et me rendit mes
baisers. J’éprouvais alors un sentiment tout à plein délicieux de retrouvailles
et d’union – un sentiment, à la vérité, si vif que, même à ce jour, je
m’en souviens avec joie.
    Geneviève de Saint-Hubert possédait tous ces talents que
l’on consent à apprendre aux filles lorsqu’on les juge à la fois inutiles et
ornementaux. Elle jouait du clavecin, chantait, disait des vers. J’étais moins
sensible à la musique des instruments qu’à celle des mots mais, debout à côté
d’elle, j’aimais voir ses doigts légers courir sur les touches, ainsi que le
mouvement de ses beaux bras blancs. Elle jouait avec beaucoup de fougue et
quand le morceau était fini, un peu de sueur perlait à son front et sa poitrine
se soulevait de par l’agitation qu’elle s’était donnée. Elle restait alors un
moment encore assise à son clavecin, la tête levée, l’œil rêveur, ses mains
reposant, immobiles, sur le clavier et comme mon visage, vu la taille que
j’avais alors, venait au niveau de son bras nu, j’osai un jour y poser les
lèvres, tant je le trouvais beau et bien rondi. À ma grande surprise,
Mademoiselle de Saint-Hubert tressaillit violemment et rougit. Et ce n’est
qu’au bout d’un instant que, me voyant tout confus, elle se prit à rire et,
m’attirant à elle, m’embrassa.
    Il y a chez les enfants plus de ruse qu’on ne croit. Je me
souviens fort bien que j’avais attendu que Frédérique ne fût plus dans la pièce
pour hasarder ce baiser dont j’avais plus d’une fois rêvé. Je me sentis, après
coup, très audacieux de l’avoir tenté et fort content de l’effet qu’il avait
produit. Peut-être m’imaginais-je jusque-là que les femmes étaient faites pour
recevoir les caresses et non pour en être troublées. J’entends, les femmes
d’âge adulte. À mon sentiment, mes petits jeux nocturnes avec Frédérique
n’avaient rien de commun avec ce qui venait de se passer.
    Madame de Guise ne fut pas sans apprendre les pinçons de
Frédérique et le baiser volé à Mademoiselle de Saint-Hubert et cela valut à mon
père une dispute dont je me souviens encore comme d’hier.
    Je jouais à terre avec une armée de soldats de plomb que sur
la suggestion de Monsieur Martial, Monsieur de La Surie m’avait offerte. Et je
dois à la vérité de dire que Monsieur Martial jouait volontiers lui-même avec
eux sous le prétexte de m’apprendre l’art des fortifications.
    J’avais disposé mes troupes en dehors du passage des
chambrières dans un petit cabinet attenant à la grand’salle et divisé mes
soldats en deux camps opposés de nombre égal. L’un était commandé par moi et
l’autre, par voie de conséquence, voué à la défaite. Et j’en étais à me
demander comment mon talent militaire, inspiré par
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