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La Volte Des Vertugadins

La Volte Des Vertugadins

Titel: La Volte Des Vertugadins
Autoren: Robert Merle
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de
mouches !…
    Tant cette phrase m’étonna, je cessai d’écouter. Je tâchai
d’imaginer mon père en train de manger un gâteau que lui disputaient des
mouches. Que ne les tuait-il, comme je faisais moi-même, du plat de la main au
lieu de le « partager » avec elles ? Énigme que je tournai et
retournai dans ma cervelle sans lui trouver de solution. Je l’oubliai ensuite,
mais elle revint dans ma remembrance avec une force singulière quand, dix ans
plus tard, je lus ce passage des Mémoires de mon père où il conte sa rencontre
à Rome avec la Pasticciera et décrit les grands seigneurs romains avec
qui, en commun, il l’entretenait.
    Ma marraine apaisée et en allée, mon père repassa dans mon
cabinet, jeta un œil à mon ordre de bataille et, mettant un genou à terre, me
dit :
    — Monsieur, comment est armée votre cavalerie ?
    — Sabre et mousquet.
    — Point de lance ?
    — Non, Monsieur mon père.
    — Alors, ne la lancez pas de front sur les piques de
l’infanterie ennemie. Elle s’y clouera. Faites-la tournoyer tout autour, lâcher
ses coups se regrouper à distance, recharger ses armes et revenir sus à
l’ennemi…
    Ayant dit, il embrassa le colonel-général, appela son page
et lui commanda de quérir Greta et Mariette. Elles arrivèrent, haletantes.
    — Qui de vous deux, dit mon père, a conté à Madame de
Guise les pinçons de Frédérique ?
    — C’est moi, dit Mariette aussitôt.
    — Et qui de vous deux lui a conté l’histoire du baiser
volé à Mademoiselle de Saint-Hubert ?
    — C’est moi, dit Mariette.
    — Bien le pensais-je… Mariette, poursuivit-il, vous
avez dans la bouche une langue frétillante et babillarde qui nous est de très
grand service quand vous allez à la moutarde au Marché Neuf. Mais céans, quand
la dame que j’ai dit se trouve de nous visiter, gardez ladite langue derrière
vos fortes dents et les lèvres cousues dessus. Vous épargnerez votre vent et
haleine, et à moi, des soucis.
    — Ainsi ferai-je, Monsieur le Marquis, dit Mariette
dont je vis bien qu’elle voulait, en signe de repentir, baisser la tête, mais
ne le pouvait tout à fait, vu la forte avancée de sa poitrine.
     
    *
    * *
     
    Ma bonne marraine était alors fort peu différente du
portrait qu’en fait mon père en ses Mémoires : « mince et bien
rondie, frisquette et pétulante, l’œil bleu lavande et quasi naïf en sa
franchise, une bouche suave et de très beaux cheveux blonds, drus et abondants,
pendant en mignardes bouclettes sur son cou mollet ».
    Ceci, quant au physique. Quant au moral, Henri IV dont
elle était, par sa mère, Marguerite de Bourbon, la cousine germaine, avait dit
d’elle à mon père (qui me le répéta) que les « naïvetés » et les
« simplicités » qu’on remarquait dans sa conduite rendaient sa
compagnie « douce et agréable ».
    C’était là un bon jugement, mais conçu du haut d’un trône
devant lequel les hautes et belles dames, en leurs généreux décolletés,
fléchissaient le genou. Si le Roi n’avait été, comme mon père, qu’un marquis et
qui plus est, « l’intime et immutable ami de la Duchesse », il eût
appuyé autrement sur la chanterelle. Car si ma marraine était bonne – du
bon et du fond du cœur – et nous aimait mon père et moi à la folie, il
s’en fallait de beaucoup que son commerce fût toujours charmant et son amour,
facile à supporter. Et d’autant qu’elle était impérieuse, fort entichée de son
rang, et en ses opinions, le plus souvent mal fondées, invinciblement
opiniâtre.
    Rien n’était plus adorable que Madame de Guise dans ses
moments d’abandon. Elle s’y montrait si tendre, si rieuse et même si folâtre
qu’elle paraissait alors la moitié de son âge. Mais ce clair soleil se voilait
parfois et il fallait alors prendre garde à ses humeurs noires, soit qu’elle
tombât dans la mélancolie, soit qu’elle lâchât la bride, tout soudain, à ses
querelleuses dispositions.
    Quand il était au logis, c’est sur mon père que s’abattait
le poids de son hypocondrie. Mais en son absence et dès que j’eus passé une
dizaine d’années, c’était moi qui subissais les assauts de ces noirs bataillons.
    — Ah ! mon filleul ! disait-elle dès qu’elle
avait franchi le seuil de notre logis et retiré son masque, gardez-vous, je
vous prie, de jeter l’œil sur moi ! Je suis aujourd’hui du dernier
laid ! Ma fé, je n’ose plus aujourd’hui me
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