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La Violente Amour

La Violente Amour

Titel: La Violente Amour
Autoren: Robert Merle
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innumérables tentes que je voyais là.
Cependant, le page filant devant moi comme carreau d’arbalète, je craignis de
le perdre dans la grande cohue des soldats cheminant et courant en tous sens,
tant hommes d’armes que de Suisses, lansquenets ou gentilshommes en cuirasse.
Et en conséquence, j’emboîtai le pas du drolissou dans les tours et détours du
camp sans mot piper.
    — C’est
céans, Monseigneur, dit le galapian, comme je le rattrapais à la parfin, hors
de vent et d’haleine, et ce disant, il disparut comme diable en trappe ou
muscade en gobelet.
    J’ouvris le
pan de la tente devant laquelle il m’avait planté et dans l’ombre y pénétrant,
ne vis goutte. Mais en revanche, sentis deux bras robustes qui tout soudain
m’étreignirent, et une roide barbe se frotter à ma joue.
    — Ventre
Saint-Antoine ! criai-je, qu’est-cela ?
    — Hé
quoi, Monsieur mon fils ! dit une voix périgordine que bien je
connaissais, vous ne savez qu’est-cela ? Où donc est la voix du
sang ?
    — Ha !
mon père ! mon père ! criai-je.
    Je ne pus en
dire plus, les larmes me jaillissant des yeux et le nœud de ma gorge se nouant.
Ha ! pensai-je, le gentil Rosny qui m’a fait cette surprise-là ! Et
comme il a le cœur assis en bon lieu pour avoir si bien deviné le mien !
Cependant, mon œil se faisant à la pénombre de la tente, je vis avec joie, me déprenant
des bras de mon père, que les cinq années écoulées depuis l’ambassade d’Épernon
en Guyenne n’avaient guère changé le baron de Mespech, et qu’il était toujours
le même rustique et vert gentilhomme, et bien mieux, qu’il avait en lui plus
d’allant et de jeunesse encore, malgré son poil grison, depuis que quittant sa
châtellenie à son aîné François, il avait lié son sort à l’aventureuse fortune
de Navarre, le suivant en ses sièges, ses chevauchées et ses combats. Voyant
quoi, je me pris à rire au milieu de mes larmes et derechef donnant à mon père
une forte brassée, je fis je ne sais combien de poutounes à sa rude barbe, et
autant de toquements de mes deux mains à ses épaules et son dos, ne sachant que
répéter comme un babillant perroquet :
    — Ha mon
père ! Ha mon père !
    — Cornedebœuf !
dit Jean de Siorac qui, Sauveterre mort, avait repris ce juron par piété
fraternelle, avez-vous, Monsieur mon fils, perdu langue à vivre au sein des
jaseurs de la Cour, ou, foi de huguenot ! êtes-vous devenu muet à force d’ouïr
la messe ?
    — Espérez
un peu, Monsieur mon père ! dis-je d’une voix entrecoupée et riant et
pleurant. Dès que les mots me reviendront, le diable lui-même ne pourra arrêter
mon discours !
    Mais avant
qu’ils revinssent, il me fallut être quasiment étouffé par les embrassements du
géantin Fröhlich, lequel me gardait une gratitude infinie de l’avoir tiré de la
nasse de la Saint-Barthélemy, et depuis, servait le baron de Mespech, ayant
avec délices retrouvé à ses côtés, depuis que mon père suivait Henri en ses
campagnes, cette livrée mi-jaune mi-rouge des Suisses du roi (jaune pour Béarn
et rouge pour Navarre), laquelle il avait pleurée en ôtant dix-sept ans plus
tôt pour se mettre à la fuite avec Giacomi, Miroul et moi, les massacreurs du
24 août hurlant à nos chausses en Paris.
    Lequel Miroul
que je viens de nommer, tandis que Fröhlich quasiment m’étranglait de ses bras
musculeux, j’aperçus du coin de l’œil dans un coin de la tente affairé
quiètement à défaire mes bagues sur un petit lit de camp.
    — Eh
quoi, Monsieur mon secrétaire ! dis-je, ma parole coulant derechef sous
l’effet de mon ire, est-ce ainsi que tu m’as attendu au saillir de la tente du
roi, comme je te l’avais ordonné ?
    — C’est
que, Moussu lou Baron, dit Miroul, son œil marron s’égayant tandis que son œil
bleu restait froid, M. de Rosny m’avait mis dans le secret de la présence de
Monsieur votre père en ce camp, et contrecommandé de l’aller incontinent
prévenir que vous étiez céans advenu.
    — Baron,
Monsieur mon fils ? dit Mespech en levant le sourcil, le roi de France
vous a-t-il fait baron ?
    — Oui-da !
dis-je, la crête haute, car pour personne au monde, sauf mon Angelina, ce titre
ne me faisait plus plaisir à porter que pour mon père, et repris-je, si je ne
vous en ai pas écrit par la poste, c’est que j’ai attendu d’en recevoir
confirmation par les lettres du roi. C’est fait, à ce jour, et vous le
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