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La Violente Amour

La Violente Amour

Titel: La Violente Amour
Autoren: Robert Merle
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peux-je
donc annoncer : je suis baron de Siorac.
    À quoi je vis
mon père rougir, lui qui était Mespech, tant lui plaisait que ce nom roturier
de Siorac que son père, apothicaire à Rouen, lui avait transmis honorablement,
fût élevé à cette dignité en la personne de son cadet.
    — Çà,
Fröhlich ! dit mon père, coupe-moi sans chicheté des tranches de pain et
de jambon (lesquels pain et jambon étaient pendus au mât de la tente pour les
préserver des rats) et toi, Miroul, débouche-moi deux flacons.
Cornedebœuf ! Il nous faut carouser, et ce titre, et ce retour ! Mais
Monsieur mon fils, avant que de me dire vos exploits au service du roi,
dites-moi, au débotté, dites-moi, je vous prie, ce qu’il en est de votre frère
Samson, de Catherine, de Gertrude, de votre Angelina, de Quéribus, de Giacomi,
de Fogacer, de tous enfin, et jusqu’au dernier valet en Montfort
l’Amaury !…
    Ce que je fis,
Fröhlich ayant dressé au centre de la tente une petite table basse, et mon père
et moi, assis de part et d’autre sur des escabelles, nos genoux se touchant, et
nous envisageant bec à bec, lesquels becs mâchellaient gaillardement nos
viandes et le mien, de surcroît, entre deux goulées, disant ma râtelée des
affaires de mon domestique, mes paroles coulant de flot, irrassasiablement,
pour l’ouïe de mon père ! Ha ! lecteur ! Comme je me ramentois
cette repue-là, qui ne fut pas seulement de mets et de viandes, mais de la
grande amour qui me liait à mon père, et lui à moi ! Je n’ai qu’à clore
l’œil pour revoir le tout de ce moment, et de l’immense camp retentissant
autour de nous, de ses noises et de ses vacarmes, le va-et-vient des bottes et
des sabots, le moutonnement des tentes grises, les voix des Suisses
s’interpellant en allemand, celles des nôtres en français, les Gascons en oc,
les hennissements des chevaux, les braiments des mules, le tohu-vabohu
incessant, et çà et là, visibles par l’aperture de la tente, des marmites
mijotant sur tripodes au-dessus de feux de bois dont les fumées, se répétant à
l’infini, obscurcissaient gaiement le clair soleil de cet avril.
    Mon père qui
était assis là, à ma face, et dont les yeux se collaient aux miens dans leur
avidité à me voir et ouïr, avait été en mes maillots et enfances mon
insurpassable héros ; en mes vertes années, mon exemple et mon
modèle ; en mes années plus mûres, le miroir dans lequel je désirais
inscrire l’image de ma future vieillesse. Il m’aimait au-dessus de ses quatre
enfants, pour ce que j’étais si semblable à lui. Je l’aimais pour le don qu’il
m’avait baillé de m’avoir fait à sa semblance. Il était moi, et j’étais lui, et
qui mieux est, lui trente ans plus jeune. Assurément, j’avais vénéré l’oncle
Sauveterre pour ses grandes qualités et l’eusse aimé davantage, si elles
n’étaient montées si haut. Mais, chez l’oncle, pour qui toute femme était
piperie et perdition, j’avais trouvé je ne sais quelle sécheresse à bannir de
son amitié la moitié du genre humain. Mespech avait, de ce côté que je dis, de
rassurantes imperfections qui me le rendaient plus proche. Il ne pouvait
envisager la beauté sans en avoir appétit, et encore qu’étant huguenot, le
remords le poignait, ce remords venait après la tentation, trop tard pour
l’avoir prévenue, trop faible pour l’en retirer. Tant est que considérant mon
père tout ensemble comme le parangon des plus fortes vertus et des plus
aimables faiblesses, je n’avais qu’un reproche à lui faire, mais celui-ci fort
âpre : c’est qu’il mourrait selon l’ordre de la nature avant moi, me
laissant seul en un monde désolé.
    Pour dire tout
le vrai, ce pensant, je ne parlais pas seul : si rapide que voulût être le
flux de mon discours, il n’allait pas vite assez pour l’avidité à apprendre de
mon père, si bien qu’il me ralentissait par ses questions en me voulant
presser.
    — Et
votre gentil frère Samson ? Vous ne mentionnez pas Samson ?
N’êtes-vous pas autant affectionné à lui que vous le fûtes ?
    — Que
nenni !
    — Comment
va-t-il ? Est-il toujours en ses bocaux ? Ménage-t-il bien son
apothicairerie ? Comment se portent Gertrude et ses enfantelets ?
Cornedebœuf ! Le pendard n’écrit jamais ! Et Gertrude pas
davantage !
    — Mais
bien savez-vous, Monsieur mon père, qu’il mélange ses médecines mieux qu’il
n’aligne les mots. Et que de
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