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La règle de quatre

La règle de quatre

Titel: La règle de quatre
Autoren: Ian Caldwell
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autres chiffres, sentant revenir mon pouls, le bourdonnement dans mes oreilles. 21 05 85, un numéro de téléphone. GEN4519, un numéro de chambre, peut-être, un numéro de poste. Il était à l’hôtel, ou dans une pension.
    La famine régnait dans tout le pays. Joseph ouvrit tous les lieux d’approvisionnement.
    Je consultai de nouveau le tableau, puis le cylindre dans lequel il l’avait expédié.
    GEN4519.
    Ses entrailles étaient émues pour son frère, et il avait besoin de pleurer ; il entra précipitamment dans une chambre, et il y pleura.
    GEN4519. Genèse, chapitre XLV , verset 19.
    Dans ce lieu qui me servait de logis, il était plus aisé de trouver un almanach qu’une bible. Il me fallut fouiller dans de vieux cartons rangés au grenier avant de dénicher l’exemplaire de l’Ancien Testament que Charlie jurait avoir oublié par accident à sa dernière visite. Il pensait utile de partager avec moi sa foi, et les certitudes qui l’accompagnaient. Infatigable Charlie, plein d’espoir jusqu’à la fin.
    Je l’ai en ce moment même, devant moi. Le dix-neuvième verset du quarante-cinquième chapitre conclut l’histoire peinte par Botticelli. Après avoir révélé son identité à ses frères, Joseph leur distribue des cadeaux, comme son père avant lui. En dépit de toutes les souffrances qu’il a endurées, il renoue avec ses frères, eux qui ont si faim dans la terre de Canaan, et leur offre en partage l’opulence du pays d’Égypte. Moi qui, toute ma vie ai commis l’erreur de laisser mon père derrière moi, de penser que je pouvais avancer en le maintenant dans le passé, je comprends parfaitement.
    Amenez votre père, et venez, dit le verset. Ne regrettez point ce que vous laisserez, car ce qu’il y a de meilleur dans tout le pays d’Égypte sera pour vous, dit le suivant. Je décroche le téléphone.
    A menez votre père, et venez. Pourquoi a-t-il tout compris, et pas moi ?
    Je repose le combiné et m’empare de mon agenda pour noter le numéro sur-le-champ, par mesure de précaution. Je lutte contre le sentiment pathétique que ma vie est réduite à une série de chiffres apposés sur un cylindre, qu’elle tient à une chance qui ne se représentera plus, susceptible d’être anéantie par une simple maladresse, la moindre goutte d’eau.
    J’ai les mains moites en soulevant de nouveau le combiné, à peine conscient du temps que j’ai passé à réfléchir à ce que je vais dire. Par la fenêtre de ma chambre, dans la nuit texane étincelante, je ne vois que le ciel.
    Ne regrettez point ce que vous laisserez, car ce qu’il y a de meilleur dans tout le pays d’Égypte sera pour vous.
    J’appuie sur les touches pour composer un numéro que je ne pensais jamais composer un jour, pour entendre une voix que je ne pensais plus entendre. Une tonalité lointaine, un téléphone trille dans un autre fuseau horaire. Puis, après la quatrième sonnerie, sa voix.
    Vous êtes sur la boîte vocale de Katie Marchand à la Hudson Gallery de Manhattan. Veuillez laisser un message. Un bip.
    — Katie, c’est Tom à l’appareil. Il est presque minuit au Texas.
    Le silence à l’autre bout de la ligne est terrifiant. Au point de me paralyser si je devais chercher mes mots. Mais je sais ce que je veux lui dire.
    — Je quitte Austin demain matin. Je m’absente pour quelque temps. Je ne sais pas très bien jusqu’à quand.
    Une petite photo de nous deux trône sur mon bureau. Nous sommes légèrement décentrés, chacun tient l’appareil photo d’une main pour cet autoportrait à deux. La chapelle du campus est derrière nous, froide, immobile, Princeton qui chuchote, encore et toujours.
    — À mon retour de Florence, dis-je à l’étudiante de deuxième année sur la photo, juste avant que le répondeur de New York me coupe, je veux te voir.
    Je repose le combiné sur son support et contemple à nouveau le ciel d’Austin. Il faudra faire les valises, appeler l’agence de voyage, prendre de nouvelles photos. Même quand je commence à saisir l’ampleur de ce que je m’apprête à faire, une pensée me traverse l’esprit. Quelque part dans la ville des renaissances, Paul se réveille, jette un œil par la fenêtre et attend. Les pigeons roucoulent sur les toits, les cloches du dôme retentissent au loin. Nous sommes là, tous les deux, chacun sur son continent, chacun sur le rebord de son lit, comme autrefois : à l’unisson. Là où je m’en vais, sur tous les plafonds
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