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La règle de quatre

La règle de quatre

Titel: La règle de quatre
Autoren: Ian Caldwell
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courrier habituel, les offres de cartes de crédit, les invitations à participer à un tirage au sort, et pas l’ombre d’une lettre de Katie. Dans le halo du poste de télévision, le cylindre semblait vide : pas de poster de Charlie, pas de petit mot. Toutefois, en y ayant glissé un doigt, je sentis quelque chose de très fin, enroulé à l’intérieur de la circonférence. C’était lustré d’un côté, et plus rêche de l’autre. Après coup je me reprocherais la brutalité de mes gestes.
    Je venais de mettre au jour une peinture à l’huile. Je la déroulai, songeant un instant que Charlie avait peut-être fait la folie de m’offrir un original. Mais j’éliminai vite cette hypothèse. Rien à voir avec le XIX e siècle américain, le style était beaucoup plus ancien, et le sujet, religieux. Le tableau venait d’Europe, du premier âge véritable de la peinture.
    Comment décrire l’étrange sentiment qu’on éprouve lorsqu’on tient le passé entre ses mains ? L’odeur de cette toile était plus forte, plus riche que tous les parfums du Texas, où ni les fortunes ni le vin n’ont eu le temps de mûrir. À Princeton, à l’Ivy Club aussi, sans doute dans les anciennes salles de Nassau Hall, les résidus de cette odeur me sautaient parfois au visage. Mais dans ce petit cylindre, elle était plus concentrée, c’était le parfum des siècles, épais, robuste.
    La toile était noire de saleté, mais lentement j’en distinguais le sujet. Les symboles de l’Égypte antique se dressaient à l’arrière-plan : obélisques, hiéroglyphes et quelques monuments inconnus. Au premier plan, un personnage autour duquel la foule se prosterne. Remarquant un soupçon de pigment, je plissai les yeux. Pour peindre la tunique du grand homme, l’artiste avait employé une palette de couleurs plus chatoyantes, qui contrastaient avec le désert de poussière environnant. Le héros apparu devant moi était sorti de mes pensées depuis des années. Il s’agissait de Joseph, nommé vice-roi d’Égypte, récompensé par Pharaon pour avoir su interpréter ses rêves. Joseph se révélant à ses frères venus acheter du blé, ces mêmes frères qui l’avaient laissé pour mort des années auparavant. Joseph, rendu à sa tunique de plusieurs couleurs.
    Au pied des statues étaient peintes trois inscriptions, CRESCEBAT AUTEM COTIDIE FAMES IN OMNI TERRA APERUITQUE JOSEPH U NIVERSA HORREA . La famine régnait dans tout le pays. Joseph ouvrit tous les lieux d’approvisionnement. FESTINAVITQUE QUIA COMMOTA FUERANT VISCERA EIUS SUPER FRATRE SUO ET ERUMPEBANT LACRIMAE ET INTROIENS CUBICULUM FLEVIT . Ses entrailles étaient émues pour son frère, et il avait besoin de pleurer ; il entra précipitamment dans une chambre, et il y pleura. Sur la base de la troisième statue, je déchiffrai une simple signature en lettres capitales, SANDRO DI MARIANO , mieux connu sous le sobriquet dont l’avait affublé son frère : « petit baril », Botticelli. Et d’après la date précisée sous le nom, cette toile avait cinq cents ans d’âge.
    Je contemplai cette relique qu’une paire de mains seulement avait touchée depuis le jour où on l’avait mise à l’abri, sous terre. Elle était d’une beauté à laquelle aucun humaniste n’aurait résisté, riche des représentations païennes que Savonarole n’aurait jamais tolérées. Elle était là, abîmée par l’âge, néanmoins intacte, toujours vibrante sous la crasse. Vivante, après tout ce temps.
    Les mains secouées de tremblements, je déposai le tableau sur la table et cherchai de nouveau dans le cylindre une lettre, un petit mot ou même un symbole qui auraient échappé à ma vigilance. Vide. L’adresse et mon nom notés avec soin, rien d’autre. Le cachet de la poste et le numéro d’expédition dans le coin.
    Ce numéro attira mon attention ; 39-055-210185-GEN4519. Cette série devait forcément correspondre à quelque chose, obéir à une logique, comme une énigme. C’était un indicatif téléphonique, un numéro de l’autre côté de l’océan.
    Au bout d’une étagère de bibliothèque, j’extirpai un volume qu’on m’avait offert quelques années plus tôt à Noël, un almanach avec ses catalogues de températures, de dates et de codes postaux, dont l’utilité ne m’avait jamais frappé auparavant. Dans les dernières pages s’étalait une liste d’indicatifs de villes et de pays.
    39, l’Italie.
    055, Florence.
    J’examinai les
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