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La Poussière Des Corons

La Poussière Des Corons

Titel: La Poussière Des Corons
Autoren: Marie-Paul Armand
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lorsque
j’attendais Jean, et ses malaises ne durèrent pas. Au fil des semaines, son
ventre s’arrondit, et son visage avait une clarté, une lumière qui le rendaient
rayonnant.
    Catherine et Robert se réjouissaient avec elle. Ils avaient
déjà plusieurs petits-enfants, pourtant, car Marcelle avait des frères plus
âgés. Mais, pour eux, Marcelle était leur fille, leur petite dernière, et ils
étaient heureux de son bonheur. Catherine venait chez moi avec des pelotes de
laine et tricotait des brassières, des chaussons, des petits manteaux, la
plupart du temps blancs et bleus.
    — Ce sera un garçon, assurait-elle. À la façon
dont elle le porte, je le vois. Et je me trompe rarement !
    Je souriais et ne répondais pas. Moi, j’aurais bien : aimé
une petite fille. Mais, quel qu’il fût, cet enfant serait le bienvenu.
    Marcelle allait régulièrement aux consultations prénatales, et
s’était inscrite à la maternité pour l’accouchement.
    — Pourquoi aller en maternité ? avait dit sa
mère. Moi, j’ai eu mes quatre enfants chez moi, et je ne m’en portais pas plus
mal.
    — C’est préférable, disait Marcelle. Dans le
coron près de chez moi, une jeune femme est morte lors de l’accouchement, d’une
hémorragie que la sage-femme était incapable d’arrêter. En maternité, je serai
à l’abri de tels accidents.
    L’accouchement était prévu pour le mois d’août. Les : dernières
semaines, elle devint fébrile et impatiente. Elle prépara une valise, pour la
maternité, avec des langes pour le bébé, des serviettes, tout ce qu’il fallait
emmener.
    En juillet, Robert prit sa retraite. Ils organisèrent une
petite réunion de famille, pour fêter cet événement, et insistèrent pour que j’y
participe. Je ne le voulais pas, je pensais trop à Charles qui, lui, n’avait
pas eu le temps de connaître sa retraite. Mais Jean et Marcelle insistèrent :
    — Viens, dit Jean, fais-le au moins pour nous. Je
serai plus content si tu es avec nous. Ça ne changera rien, de toute façon, et
Catherine et Robert n’y peuvent rien non plus.
    Alors je cédai, mais je m’y sentis mal à l’aise, en dépit de
mes efforts. Cela m’était douloureux de les voir tous les deux, heureux et
satisfaits. Cela leur paraissait normal, de pouvoir enfin se reposer, de goûter
une retraite tranquille, ensemble. Ils ne connaissaient pas leur chance. Je ressentais
un petit pincement de tristesse, de regret, et, je crois bien, de jalousie
aussi. Car la même question sans réponse, toujours, me revenait : pourquoi
eux, et pas Charles et moi ?… Je comprenais que je n’accepterais jamais
totalement.
     
    Le mois d’août arriva, et nous ne vivions que dans l’attente
de la naissance. Tous, nous entourions Marcelle d’attentions, d’amour, de
tendresse. Elle nous était deux fois plus précieuse, et deux fois plus aimée. Elle,
souriante, épanouie, attendait le moment où elle donnerait la vie. Parfois, elle
souriait mystérieusement, puis s’émerveillait :
    — Comme il bouge ! Ce sera un bébé remuant !
    Elle prenait ma main et la posait suif son ventre. Je
sentais un mouvement, le frémissement d’une vie cachée qui nous était déjà chère.
Et une profonde joie m’envahissait.
     
    Il naquit le 6 août 1957. C’était un mardi. La journée s’était
passée normalement ; en fin d’après-midi, j’étais dans ma cuisine lorsque
Pompon aboya, et aussitôt Jean entra, en coup de vent.
    — Maman, maman ! cria-t-il, et dans sa voix
résonnait une note de triomphe. Ça y est, il est né ! C’est un garçon !
    L’émotion me coupa les jambes, et je dus m’asseoir, Jean se
précipita sur moi, me serra dans ses bras, avec une exaltation joyeuse :
    — Oh, maman ! Comme je suis heureux !
    La tête enfouie dans son épaule, en même temps je souriais
et je pleurais. Je le regardai :
    — Raconte-moi, dis-je d’une voix tremblante. Tout
s’est bien passé ? Et Marcelle ?
    — Elle a été réveillée à l’aube par les premières
douleurs. Je l’ai emmenée aussitôt à la maternité. Il est né cet après-midi, vers
quatre heures ! – Il eut un rire tremblé de larmes, ajouta :
– Quelle journée j’ai passée ! J’ai dû vieillir de plusieurs années
en quelques heures !…
    Il prit Pompon, qui sautait autour de lui, le lança en l’air,
le rattrapa. Il était heureux comme un gosse.
    — Oh, maman ! reprit-il, j’ai un fils, un
fils ! C’est
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