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La Poussière Des Corons

La Poussière Des Corons

Titel: La Poussière Des Corons
Autoren: Marie-Paul Armand
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être comme lui, sans soucis et heureux de vivre.
    Dans le ciel bleu, les alouettes chantaient. Par-dessus les
murs des jardins, les branches des lilas ployaient sous le poids de leurs
grappes en fleur, et exhalaient, dans l’air tiède, leur ineffable et doux
parfum.
    En approchant de la maison, je vis Marcelle qui m’attendait,
près du portail. Je pressai le pas, et lui fis signe en souriant. Mais elle ne
souriait pas. Elle vint au-devant de moi, de l’angoisse plein les yeux :
    — Oh maman ! me dit-elle, avec une
précipitation fébrile. Il vient d’y avoir un éboulement, ce matin ! Il
paraît que des mineurs sont emprisonnés ! Jean est allé aider les
sauveteurs. Oh, mon Dieu, comme je suis inquiète !
    Un sentiment de catastrophe m’envahit. Encore, pensai-je, encore
une fois ! Ça ne finira donc jamais… À Marcelle, qui me regardait comme
une enfant affolée et perdue, je dis :
    — Allons-y, allons voir. Viens, ne perdons pas de
temps.
    Je lui ai pris le bras et nous sommes parties, après avoir
enfermé dans la maison Pompon dont nous n’avions que faire. Comme s’il avait
compris, le chien s’était calmé, et nous regarda partir avec une sorte de
supplication dans le regard. Une fois de plus, je me retrouvai devant les
grilles de la fosse, au milieu d’autres femmes au visage tendu par l’angoisse.
    J’appris que presque tous les mineurs avaient pu remonter. Seuls
quelques-uns étaient restés bloqués en bout de galerie. Nous ne pouvions qu’attendre,
et nous essayions de voir ce qui se passait. Mais nous ne voyions rien, et nous
restions là, dans l’ignorance, avec notre anxiété, notre peur.
    Après un long moment, il y eut un cri :
    — Ils remontent ! Ils remontent !
    En effet, nous les avons vus sortir et se diriger vers nous,
plusieurs mineurs qui clignaient des yeux dans le soleil, et dont les regards
traduisaient une incrédulité, comme s’ils ne pouvaient pas croire à leur chance
d’être vivants, sains et saufs. Et ce fut, autour de nous, des cris de joie, des
pleurs, des embrassades, lorsqu’ils eurent rejoint les femmes qui les
attendaient. Je les regardais, les larmes aux yeux, en pensant que j’aurais
donné n’importe quoi pour pouvoir, comme ces femmes, prendre dans mes mains le
visage de mon mari…
    A ce moment, Marcelle cria :
    — Jean !
    Elle se précipita en avant, bousculant tout le monde, et je
la suivis. Au-delà des grilles, Jean s’éloignait. Il entendit le cri de sa
femme, se retourna, nous vit. Il vint vers nous. Je le regardai avidement :
il avait une combinaison, un casque de mineur, et il était noir de charbon.
    — Jean ! cria de nouveau Marcelle. Où vas-tu ?
    Il s’approcha et ne répondit pas tout de suite. Je sentis un
étau d’angoisse me serrer la poitrine. Que se passe-t-il donc ?
    — Ce n’est pas fini ? dit Marcelle. Ils ne
sont pas tous remontés ?
    Mon fils nous regarda, comme s’il voulait savoir ce que nous
étions capables d’entendre.
    — Eh bien, insista Marcelle, réponds, Jean !
    Il soupira :
    — Non, ils ne sont pas tous remontés. Il y a
encore un adolescent de quatorze ans. Il est coincé, et pour le dégager c’est
très difficile. Dès qu’on essaie de déblayer, tout risque de s’effondrer. Je
vais tâcher d’aller jusqu’à lui en rampant, et essayer de le libérer de cette
façon.
    — Jean ! cria Marcelle. Non ! N’y va
pas ! C’est trop dangereux !
    Je n’intervins pas, mais instinctivement mon cœur avait crié
la même chose. Pourtant, je savais que c’était inutile. J’avais compris que
Jean avait pris sa décision.
    Il regarda Marcelle, puis moi, et ses yeux clairs étaient
emplis d’amour, de supplication :
    — Essaie de comprendre. Il faut que j’y aille, je
ne peux pas faire autrement.
    Marcelle dit, dans une plainte :
    — Jean ! Oh Jean !…
    Un homme, au fond de la cour, l’appela. Jean se tourna vers
lui, puis nous regarda de nouveau, malheureux :
    — Je descends. Ils ont besoin de moi.
    Je le vis se détourner, partir, s’éloigner de moi, de nous. Sa
silhouette devenait de plus en plus floue à cause des larmes qui brouillaient
ma vue. Marcelle, près de moi, s’effondra sur mon épaule :
    — Oh, maman, maman ! gémit-elle. Pourquoi
est-il parti ? Comment as-tu pu le laisser partir ?
    Je caressai ses cheveux blonds. Comment lui faire comprendre
que je n’avais pas accepté, moi non plus, et que, tout comme elle, je
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