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La Poussière Des Corons

La Poussière Des Corons

Titel: La Poussière Des Corons
Autoren: Marie-Paul Armand
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leur travail.
    — Cet éboulement, expliquait-il, est un accident
qui n’aurait pas dû se produire. Nous prévoyons l’installation d’étançons
métalliques, ce qui diminuera de beaucoup les risques.
    Ce que je voyais, moi, c’était que mon enfant était heureux,
passionné par son métier, vivant avec le souvenir constant de Charles, dirigeant
toute son existence en fonction de lui. Il n’était pas rare de l’entendre me
dire :
    — Papa aurait fait ceci… Il aurait approuvé que
je fasse cela…
    Il m’était doux de voir mon fils réagir ainsi. Je me
rassurais : tant que le souvenir de Charles régnerait dans nos cœurs, il
ne mourrait jamais tout à fait.
     
    Ma solitude, pourtant, était encore bien dure à supporter. Mon
chien était un bon compagnon, mais il ne restait qu’un animal. Il ne pourrait
jamais remplacer Charles. Les moments de fêtes, d’anniversaire, étaient
douloureux, car je ne pensais alors qu’à lui, à son absence insupportable qui m’empêchait
d’éprouver la moindre joie. Lorsque, au cimetière, je fleurissais sa tombe, je
sentais trembler, au fond de moi, une révolte incomplètement éteinte.
    Les soirées d’hiver, surtout, étaient les plus dures. Elles
s’étendaient, interminables. Je m’en plaignis un jour à Catherine, qui dut en
parler à Marcelle et à Jean. Là encore, je pus voir combien mon fils était bon
pour moi. Le jour de mes cinquante-cinq ans, pour mon anniversaire, il m’offrit
un poste de télévision. Devant ma surprise, mon incrédulité, il me dit :
    — Ça t’aidera à passer les soirées, lorsqu’elles
sont trop longues.
    Il m’en montra le fonctionnement, le fit marcher dans la
journée. Je ne voulais pas accepter un cadeau aussi coûteux. Mais ils
insistèrent, tous les deux. Alors je m’inclinai. Comme Pompon, le poste de
télévision fit bientôt partie de ma vie. Et il était vrai qu’il m’aidait à
supporter les longues soirées.
    Bien souvent, d’ailleurs, Catherine et Robert, ou d’autres
voisins, venaient me tenir compagnie afin de voir, avec moi, un film ou une
émission. Au mois d’avril, nous avons tous regardé le reportage en direct
réalisé par Igor Barrère et Pierre Tchernia, au fond du 12 de Lens. Je faisais
figure de privilégiée, dans le coron. Rares étaient, à cette époque, ceux qui
possédaient déjà la télévision. Grâce à ce somptueux cadeau de mon fils, je fus,
il est vrai, beaucoup moins seule. Mais je ne pouvais m’empêcher d’imaginer
combien il aurait été merveilleux de regarder toutes ces émissions avec Charles
à mes côtés.

7
    JE survivais. J’avais surmonté ma détresse, mais il y avait
encore des moments où le cafard me prenait, où je me sentais victime d’une
injustice insupportable.
    Une nouvelle loi fut votée pour les congés payés. Ils furent
portés à un jour et demi par mois, au lieu d’un jour. Il y avait eu aussi, à
Berck-Plage, à quelques kilomètres du lieu où vivaient Georges et Anna, la
création d’un centre de vacances pour les mineurs. Je pensais aux prospectus
que Charles m’avait montrés, un jour, en disant : « Quand j’aurai ma
retraite, Madeleine, nous irons, qu’en penses-tu ? » Et je ne pouvais
pas m’empêcher de pleurer.
    De temps en temps, Anna et Georges venaient me voir avec les
enfants. Paul, l’aîné, était devenu un bel adolescent. Il avait quitté l’école,
et aidait son père dans son travail. Il faisait de petits travaux, parfois, pour
les propriétaires voisins, et c’était une vie qui lui plaisait.
    — Et au moins, disait Georges, il n’est pas
mineur.
    En vieillissant, Georges ressemblait de plus en plus à
Charles. Quelquefois, il avait tellement les mêmes gestes, les mêmes
expressions, que je revoyais Charles, et cela m’était à la fois doux et amer.
    Leur second fils, Bernard, était vif et facétieux, heureux
de vivre. La petite Marie-Jeanne allait sur ses six ans. Elle était calme et
sage, d’une gravité au-dessus de son âge. Ils formaient une famille unie, et j’avais
chaud au cœur lorsque je les voyais.
    Juliette, aussi, venait me rendre visite, plus souvent
depuis que j’étais seule. Son fils avait terminé ses études de médecine, et
venait d’ouvrir un cabinet.
    — Lorsque je le vois, disait Juliette en souriant,
avec sa blouse blanche, son stéthoscope autour du cou et son air sérieux, c’est
plus fort que moi, il m’impressionne !
    Quand elle venait, elle me faisait du
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